Migrant-e-s, santé et histoire

Séminaire de l’Institut Ethique, Histoire, Humanités (iEH2, progr. Histoire) et du Programme Santé Migrants et Réseau santé pour tous (HUG).

Responsables : Andrea Carlino, Francesca Arena, Philip Rieder (iEH2) ; Sophie Durieux et Yves Jackson (Programme Santé Migrants et Réseau santé pour tous - HUG)

Face à l’émergence sociale, culturelle et politique de la crise actuelle, ainsi que contre les attaques aux valeurs de solidarité et d’accueil humanitaire, nous souhaitons préposer une réflexion commune sur les aspects sanitaires (au sens large) des crises migratoires sur la longue durée. Dans ces séminaires les travaux des chercheurs en histoire et en sciences sociales seront discutés et commentés par des acteurs du monde médicale engagés dans la prise en charge des migrants et, inversement, les interventions et les propositions d’action sanitaire et médicale seront débattues à l’aune des études en histoire, sociologie et anthropologie des migrations.

Ces dernières années la migration fait la une dans la presse internationale et s’impose dans l’esprit des lecteurs comme une crise humanitaire issue de la guerre en Syrie et dont le théâtre est la Méditerranée. Cela étant, le mouvement des populations, poussées par la faim, l’indigence, les calamités naturelles, les persécutions et les conflits, est un événement récurant de l’histoire de l’humanité. L’histoire en son entier peut être lue comme un enchainement, de l’Antiquité jusqu’à nos jours, de déplacements volontaires ou forcés de femmes et d’hommes, déplacements qui sont à la fois signe, conséquence et cause de remise en question multiples.

Dans ce séminaire nous allons explorer dans une perspective historique un aspect marquant des crises migratoires, à savoir la dynamique qu’elles engendrent sur le plan sanitaire. Souvent – peut-être toujours – les déplacements importants des populations entraînent la survenue de maladies, de problèmes hygiéniques, de troubles physiques et psychiques causés par le déplacement et le déracinement subséquent. Par ailleurs, les pays d’accueil constatent l’impact des migrations sur les systèmes de santé et les institutions. Cet impact est complexifié par la différence entre personnels d’accueil et migrants quant à la conception de la santé, de la maladie et de l’hygiène. La question de l’accueil et de l’accueil sanitaire, est ainsi souvent, sinon toujours biaisé par les idéologies et les positionnements politiques et culturels.

En effet, depuis l’Antiquité, les médecins ont reconnu et décrit les risques et les dangers propre au déracinement et au déplacement, inscrits successivement comme des causes de morbidités dans le paradigme humoral et micro-biologique. Le migrant se trouve dans la même situation que tout voyageur. Il prend le risque, en changeant de lieu, de voir sa santé mise en péril. Il peut également être lui-même le vecteur de maladies qui toucheront d’autres. A ces problématiques sanitaires s’additionnent des questions sociales, matérielles et politiques. L’exploration de l’histoire sociale et culturelle de la santé des migrant-e-s permet d’isoler des problématiques propres à la migration et les transformations des représentations et des modalités de prise en charge à travers le temps.

Du point de vue du migrant, ses capacités ou celles de sa communauté d’origine à prendre en charge le coût de ses soins, à lui permettre, ou pas, le retour, peuvent être déterminants quant aux moyens sanitaires mobilisés. Pour le pays d’accueil, les voyageurs sont perçus comme un risque sanitaire et une priorité au nom de la santé de la population dans son ensemble. La gestion de ces paramètres demeure anecdotique tant qu’il s’agit de migrants individuels, elle demande une attention soutenue des communautés d’accueil quand la migration se fait en masse.

Au cours de ce séminaire, il s’agira de mettre l’accent sur ces différentes variables et en particulier nous voudrions explorer de manière critique certaines questions :

• Comment l’histoire sanitaire des migrations peut-elle contribuer à éclairer notre compréhension des crises actuelles ?
• Quelles sont, à différents moments, les institutions et les acteurs de l’accueil qui organisent la prise en charge sanitaire des personnes migrantes ?
• Quels sont les enjeux politiques et culturels, dans chaque contexte, de la prise en charge ?
• A partir de quand et pourquoi le flux migratoire est considéré comme un risque sanitaire ?
• Quels liens se tissent entre l’histoire de la migration et l’histoire du colonialisme ?
• Comment le sujet migrant vit-il et raconte-t-il l’expérience corporelle de la migration?

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