Automne 2024
Méthodes créatives, méthodes indisciplinées ?
L’édition de l’automne 2024 du cycle de conférences publiques du Département de Géographie et Environnement Enjeux sociaux – enjeux spatiaux (ES2) propose d’explorer la large palette des méthodes qualitatives de la recherche en géographie, au-delà des méthodes conventionnellement admises de l’enquête, telles que l’entretien. En s’appuyant sur les interventions de chercheurs et chercheuses mobilisant des méthodes considérées comme créatives, elle vise à illustrer la pluralité des manières de produire du savoir, tout en interrogeant les apports de ces méthodes pour la recherche, leurs enjeux, ainsi que les possibles limites de ce nouvel engouement créatif. |
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CALENDRIER
Jeudi 19 septembre 2024 |
Séance d'introduction réservée aux étudiant·es |
Jeudi 26 septembre 2024 |
Dolorès Bertrais Dessiner des points… : ····, des lignes__ // : (d)écrire les sciences sociales sur différents plans |
Cette conférence explore l'usage du dessin ethnographique en sciences sociales, le positionnant comme un outil méthodologique essentiel aux côtés de la photographie, de la cartographie et des entretiens. En s’appuyant sur de récents travaux de thèse, cette intervention démontre que le dessin, en tant que pratique d'observation in situ, permet de regarder différemment et offre une perspective unique en engageant tous les sens. En combinant intuition et observation détaillée, l’ethnographie dessinée vulgarise également la recherche scientifique en rendant visibles des concepts parfois complexes de manière intuitive et visuelle. Elle permet de raconter des histoires détaillées et accessibles, illustrant des scènes de vie, des processus environnementaux ou encore des dynamiques sociales. L’ethnographie dessinée est une pratique puissante pour documenter et communiquer, complémentant les méthodes traditionnelles. Elle enrichit les observations et les analyses des chercheur·es ; son intégration dans la recherche offre une perspective riche et nuancée, encourageant une réinvention des méthodes de publication et de diffusion des savoirs sur plusieurs plans. |
Paysagiste-urbaniste, Dolorès Bertrais a travaillé entre 2017 et 2019 pour l'Atelier Parisien d’Urbanisme (APUR) à Phnom Penh (Cambodge) dans le cadre d'une coopération décentralisée entre la municipalité de Phnom Penh et la Ville de Paris, avant de finaliser un doctorat à l’Université de Genève en juin 2024. Elle poursuit ses réflexions sur l’ontologie politique du vivant dans les mondes urbains et s’intéresse aux dynamiques urbaines ainsi qu'aux nouveaux mécanismes de production de la ville à Phnom Penh et à Kigali (Rwanda). |
Jeudi 3 octobre 2024 |
Laurent Matthey Des fictions pour enquêter |
Le rapport de l’écriture scientifique à l’écriture littéraire a donné lieux à des travaux multiples, tant dans le champ de la narratologie (Barthes, dès 1966), que de l’anthropologie, de l’histoire ou de la géographie. Ce rapport, d’abord envisagé du point de vue de la poétique spécifique à chacun de ces genres, tend depuis plusieurs années à être approché du point de vue du rôle de la fiction dans la production des faits scientifiques. Ce rôle est souvent conçu selon une double perspective. Une première tendance fait de la fiction une façon de tester des hypothèses de travail. Un second usage tend à faire de la fiction tend à faire de la fiction un mode d’existence de l’enquête. Mon intervention souhaite contribuer à cette réflexion sur les modes d’existence de l’écriture scientifique. J’aimerais montrer comment certaines fictions réalistes produites dans le cadre de différentes recherches en géographie urbaine n’éloignent pas du réel, mais permettent au contraire de s’en rapprocher. Deux expériences narratives menées à près de quinze ans d’intervalle sont discutées. La première s’inscrit dans le contexte d’une étude d’urbanisme commandée par une collectivité publique à l’université de Genève. La seconde renvoie au cadre classique de la rédaction d’une thèse de doctorat désormais ancienne (2006). Dans ces deux cas, des techniques d’écriture spécifiques ont été testées pour appréhender la réalité de manière plus approfondie : l’une tenant à une adaptation du principe de « redescription » du matériau d’enquête qui trouve son fondement chez Rorty ; l’autre s’attachant à adapter le principe « contamination » énoncé par Pasolini à nos écritures normées, pour oraliser le discours scientifique. |
Laurent Matthey est professeur à l’Université de Genève. Ses recherches, situées au croisement de l’ethnographie et des études littéraires, s’intéressent aux enjeux politiques de la mise en récit de la fabrique urbaine. Il est également rattaché à l’UMR AAU, équipe CRESSON. |
Jeudi 10 octobre 2024 |
Sarah Mekdjian Cartographier et faire à plusieurs en situation universitaire, et en situation d'exil. Parcours de recherche situé et inquiet. |
Là où la cartographie sert autant la production de connaissances que la surveillance des parcours migratoires vers et en Europe, ainsi que leurs mises en spectacle, comment et pourquoi dessiner, encore, des cartes d'exil ? Comment peuvent s'élaborer des gestes cartographiques, entre les attendus universitaires de production de connaissances, la division du travail enquêtrices-enquêtées, et des désirs de transmission, des souvenirs, des refoulements, des demandes sociales et juridiques de reconnaissance ? En 2012, j'ai proposé, avec des artistes, des ateliers de cartographies à mains levées, qui ont eu lieu à l'association Accueil Demandeurs d'Asile à Grenoble ; en travaillant plusieurs gestes esthétiques et scientifiques liés à la cartographie, il s'est d'abord agi, depuis mon travail de chercheure, de revoir et en partie déplacer certaines injonctions de connaissances. Ce travail, exposé à plusieurs reprises dans des contextes universitaires et muséaux, a levé des questions de co-auctorialités, de droits d'auteurs, de droits des étrangers, de division du travail universitaire, qui m'ont obligée à déplacer mes pratiques de recherche. |
Sarah Mekdjian, enseignante et chercheure en géographie sociale à l'Université Grenoble Alpes et au laboratoire PACTE, co-autrice du journal mural Abbaye Conakry (2024) et des performances du Bureau des dépositions (2018-2023). |
Jeudi 17 octobre 2024 |
Pascal Amphoux A l’écoute de l’espace géographique et de l’espace public |
L’espace géographique est vu mesuré arpenté, on oublie parfois qu’il peut aussi être écouté. Inversement le regard, la marche ou le relevé permettent de le représenter, on oublie parfois que le son de la voix, de la nature ou de la machine en expriment la vitalité, la sociabilité ou l’esthétique. Mais comment passer de la représentation de l’invisible à l’expression de l’inouï ? De la relation causale à la relation modale ? De la connaissance à l’expérience ? Tel est le type de questions que l’exposé s’efforcera de discuter, tout en évoquant différentes propositions méthodologiques ou théoriques développées au laboratoire Cresson depuis sa création. |
Pascal Amphoux est géographe et architecte DPLG. Chercheur associé au Centre de Recherches sur l’Espace Sonore et l’Environnement Urbain (CRESSON, Ecole d’Architecture de Grenoble, UMR CNRS AAU), il a également été Professeur des écoles d’architecture à l’ENSA Nantes (2003-2021). Ses travaux portent sur l’environnement sonore et urbain, en particulier sur les rapports entre la pratique du projet, l’esthétique paysagère et les méthodes des sciences sociales. Il est par ailleurs gérant du bureau d'études CONTREPOINT, Projets urbains à Lausanne et intervient comme expert auprès de diverses institutions suisses, françaises ou européennes. |
Jeudi 24 octobre 2024 |
Lise Landrin Ecriture de la scène, écriture de la terre : croisement de méthodes entre théâtre et géographie pour une scientificité renouvelée |
Le théâtre a souvent fourni des métaphores aux sciences humaines et sociales pour dire le monde. A bien des égards en effet nos agencements spatiaux et relationnels ressemblent à des mises en, scènes dans lesquelles des rôles sociaux ont été distribués, appris, performés. Pourtant au-delà du champ lexical qu’il offre, le théâtre recèle également un grand potentiel pour renouveler nos arts de faire du terrain, de créer plutôt que de récolter des données, de mettre en place des dispositifs dans lesquels expérimenter des relations moins asymétriques que l’est initialement un contrat de recherche. Pour autant, créer des théâtres temporaires dans le cadre de sa recherche soulève de nombreuses questions éthiques, méthodologiques et scientifiques. A partir des expériences de recherche-création menées ces dernières années dans le cadre de terrains parfois lointains (Asie, Afrique) parfois très proches (Europe), je partagerai les atouts et les questionnements qu’offrent un dispositif théâtral là où on ne l’attend pas. Tournant de pensée, science de la relève ou simple retour à ce que la géographie a toujours fait ? Nous chercherons quels enjeux les méthodes créatives de la scène posent à la scientificité. |
Géographe à l’Université de Berne, Lise Landrin coopère avec des artistes pour éprouver la possibilité d’initier des méthodes créatives et émancipatrices au sein des sciences sociales. Profitant de l’émergence de la recherche-création dans le champ francophone, elle s’attache aujourd’hui à multiplier les expériences de terrain dans lesquelles créer des dispositifs artistiques pour enrichir les relations entre géographie et théâtre. Elle est par ailleurs engagée auprès de compagnies de théâtre sénégalaises autour de la question de la souveraineté alimentaire et de l’écoféminisme. |
Jeudi 31 octobre 2024 |
Yvonne Schmidt Eco Art Lab: Relational Encounters between the Arts and Climate Research |
The EcoArtLab is a transdisciplinary think-and-do-tank at the Bern Academy of the Arts (HKB), a department of the Bern University of Applied Sciences, which aims to initiate collaborations between artistic researchers, scientists, and the public. 2023-2027, the EcoArtLab, in cooperation with the mLAB at the Institute of Geography of the University of Bern, is conducting the research project 'EcoArtLab: Relational Encounters between the Arts and Climate Research'. The SNSF funded research project investigates how the intersection of artistic research, geography, and critical sustainability research can lead to new encounters and approaches that reflect on climate justice. This talk will provide insights into the research project by focusing on the question which institutional frameworks and conditions are beneficial for transdisciplinary collaborations involving the arts, research, and the community. |
Yvonne Schmidt (she/her) is head of the EcoArtLab and responsible for the research field of art education at the Institute Practices and Theories of the Arts at Bern Academy of the Arts. She teaches and conducts research on art and social transformation, artistic research, transdisciplinarity, performance and disability, art (mediation) and climate change, curating as a political practice and the (digital) transformation of cultural institutions, including the following ongoing projects: “Aesthetics of the Im/Mobile” (2022-2026) and “EcoArtLab. Relational Encounters between the Arts and Climate Research” (2023-2027). |
Jeudi 7 novembre 2024 |
Semaine de lecture |
Jeudi 14 novembre 2024 |
Nitin Bathla |
Traditional boundaries within landscape, urban studies, and the social sciences have often hindered interdisciplinary dialogue, sensory engagement, and imagination. Building upon the recently published book Researching Otherwise: Pluriversal methods in landscape and urban research (gta Verlag, 2024), this lecture will explore the potential of sensory, collaborative, and restorative methodologies to create spaces for generating knowledge from diverse perspectives. These methodologies aim to bridge the gap between researchers and their subjects, fostering opportunities for transformative and regenerative futures. Drawing from the lecturer's own research journeys, the lecture will demonstrate how innovative methods can facilitate collaborative ethnographic research with marginalized subjects, communities, and multi-species environments. |
Nitin Bathla’s (Department of Architecture, ETHZ & Department of Geography, UZH) work focuses on urban studies and political ecology, with particular attention to commoning, landscape rewilding, multispecies ethnography, and infrastructure-led extended urbanization. His transdisciplinary and pluriversal research approach actively combines academic inquiry with artistic practices such as filmmaking and socially engaged art. His 2020 ethnographic feature-length film on India's ongoing highway program, Not Just Roads, notably won the SAH Film Award 2022. |
Jeudi 21 novembre 2024 |
Fabrice Argounès Exposer la discipline et revendiquer l’indiscipline en géographie publique |
Une discipline se reproduit par son centre et se renouvelle par ses marges. Cette conférence propose de faire un pas de côté en élargissant les réflexions sur les conditions de diffusion des savoirs géographiques ou géohistoriques auprès de différents publics – des scolaires aux associations, des enseignants aux prescripteurs, ou encore des lecteurs aux visiteurs – pour répondre notamment aux demandes qui traversent aujourd’hui de nombreux secteurs de la vie sociale. Cette conférence nous invite à renouveler la narration scientifique, par différentes expériences de médiation et de diffusion, notamment avec ses expositions et l’ouvrage Nos lieux communs, géographie inventive et ludique, mais au cœur de ce qui fait notre rapport au monde. |
Fabrice Argounès est géographe à l’Université de Rouen et commissaire d’expositions. Dans les musées comme dans ses ouvrages, il cherche à multiplier les liens entre recherche scientifique et promotion de la discipline pour mettre en valeur une véritable géographie publique. Il est l’auteur de nombreux ouvrages dont Le monde vu d’Asie, Géographies du politique, Une autre Histoire du monde ou Nos lieux communs paru cet automne. |
Jeudi 28 novembre 2024 |
Juliet Fall “Bornées?": La bande dessinée pour chercher et écrire autrement en sciences sociales |
Bornées : une histoire illustrée de la frontière raconte la frontière franco-suisse en bande dessinée, des archives cartographiques aux fermetures pandémiques, des cartes postales aux bornes de pierre. S’appuyant sur des riches sources visuelles, ainsi que sur des travaux de terrain effectués en zone frontalière, Juliet Fall dévoile les petits et grands efforts déployés depuis deux siècles pour fabriquer et maintenir un territoire national. Loin d’être un simple exercice de vulgarisation rédigé après une recherche, cette présentation met l’accent sur la démarche visuelle novatrice qui mobilise la bande dessinée dès le début d’une enquête en science sociale. Elle repose sur une écriture qui prend au sérieux les sources visuelles sur lesquelles elle s’appuie en les intégrant dans la narration scientifique, pour mettre en scène l’histoire locale et globale et questionner les identités nationales. A partir d’un témoignage personnel, et une auto-ethnographie dessinée assumée, cet ouvrage entre théorie et empirie souhaite stimuler la réflexion sur le territoire, les frontières et la sécurité. |
Juliet Fall est géographe, professeure à l’Université de Genève, passionnée des liens entre les méthodes de recherche visuelles, l’expérience du terrain et l’écriture scientifique. Elle observe et dessine les territoires ordinaires à l’aide de démarches créatives et expérimentales, à la recherche des multiples traces du politique, et raconte le monde et ses recherches par la bande dessinée. |
Jeudi 5 décembre 2024 |
Nicolas Nova Enquête Anthropocène et recherche-création |
Qu’est-ce qu’une “enquête/anthropocène”? Comment aborder les multiples métamorphoses liées à la crise environnementale ? En quoi les investigations au carrefour de l’ethnographie et des pratiques artistiques peuvent-elles permettre de décrire et d'imaginer des trajectoires dans un monde troublé ? Cette présentation abordera de telles questions en s’appuyant sur un projet d’enquête-création combinant plusieurs formats tels que le récit documentaire ou le jeu d’aventure. |
Nicolas Nova est Professeur à la Haute école d’art et de design (HEAD – Genève) où il enseigne et mène des recherches anthropologiques sur les cultures contemporaines liées aux mutations insufflées par les technologies numériques ou par la crise environnementale. Il est également co-fondateur de Girardin & Nova, une agence d’exploration prospective. |
Jeudi 12 décembre 2024 |
Carolin Schurr Researching and exhibiting the global/intimate in a multisensory fashion |
A Mexican surrogate mother tells us how much she would like to know about the baby she carried for a gay couple from Spain six months ago; a Spanish egg donor talks about the side effects of hormone stimulation on her mood; and a Moroccan seasonal worker in Huelva, Spain, complains about how pesticides on the plantations affect her cycle. How can we, as feminist scholars, empirically capture the intimate and reproductive experiences of these women in our research and tell their stories in a way that gives voice to their experiences? And how can we present the entanglements of their intimate experiences with global and national political and economic structures on a national scale to a broader public? Based on the teamwork of Carolin Schurr, Mirko Winkel, Laura Perler and Nora Komposch (University of Bern), this talk explores these questions by first revisiting the potential and limitations of creative and multi-sensory methods in geography. It then uses two exhibition projects to illustrate how research findings can be communicated to the public in a multi-sensory way. The conclusion discusses the potential of exhibitions as a c/artographic practice. |
Carolin Schurr is Professor of Social and Cultural Geography at the University of Bern. As a feminist geographer, she studies how global process affect intimate life. She is also co-director of the mLAB, an experimental space at the intersection of geographic research, arts and digital media. |
Jeudi 19 décembre 2024 |
Séance de clôture réservée aux étudiant·es |