Automne 2021

 

Penser (dans) un monde abîmé

Les sociétés, l’espace et le vivant, nouvelles approches

 

Au fil du semestre, nous évoquerons comment la crise environnementale influe sur la géographie politique et culturelle, mais aussi plus largement comment elle impacte la façon dont les sciences humaines et sociales appréhendent les rapports entre les sociétés et l’espace. Dans une approche croisée, des géographes, des sociologues, des anthropologues et des historiens interrogeront ses conséquences sur l’étude d’objets comme la ville, l’habitat, le paysage, ou l'étude de processus comme l'aménagement du territoire et la mondialisation. Nous verrons dans quelle mesure cette crise, et les multiples expressions de prise de conscience de cette crise dans les sociétés, suscitent des questionnements inédits, de nouveaux concepts ou l’élaboration de nouvelles méthodes d’enquête.

En mobilisant différentes échelles, nous aborderons des sujets aussi différents que les tensions heuristiques nature/culture; le positionnement des sciences sociales face à l’écologie politique; les pratiques et les controverses autour de la conservation de la nature; la visualisation de la terre et du changement climatique; l’histoire de risques naturels comme les avalanches; l’expérience spatiale de groupes mobilisés pour la défense de l’environnement et les inventions de nouvelles formes d’habiter dans des actions politiques alternatives.

 
A3_EnjeuxSociaux-Spatiaux_Automne2021_vignette600.png  Image : © Will Turner / Unsplash

Jeudi 12h30-14h, automne 2021

Conférences  accessibles à tou.tes 
Salle CV001 (rez-de-chaussée)
66 Boulevard Carl-Vogt

Masque obligatoire

         

CALENDRIER

Jeudi 23 septembre 2021

Séance de présentation

Jeudi 30 septembre 2021
Juliet Fall
Penser les géographies du vivant

Juliet Fall est professeure au Département de géographie et environnement de l'université de Genève. Ses travaux portent en géographie politique sur les limites et frontières politiques et les discours sur les frontières naturelles ; en écologie politique sur les espaces protégés, la coopération transfrontalière dans le domaine environnemental, les espèces invasives, la biosécurité et la globalisation de la nature ; au sein des études visuelles sur la réalisation de documentaires scientifiques et la bande dessinée, et en histoire des sciences sociales sur les débats, circulations et différences entre géographies anglophones, francophones et italophones.

Jeudi 7 octobre 2021
Irène Hirt
La relation à la « nature » et au « territoire » des Innus au Québec. Raconter la rivière Péribonka et le développement hydroélectrique

En restituant un processus de recherche collaboratif mené entre des chercheuses et la Première Nation des Pekuakamiulnuatsh (Innus du lac Saint-Jean) entre 2011 et 2018, cette intervention présentera le rapport à la « nature » et au « territoire » d’une communauté autochtone au Québec. Si le développement hydroélectrique est au cœur de l’économie québécoise, il a aussi été un moteur de l’affirmation de l’identité nationale des Québécois dans la 2e moitié du 20e siècle. Or, celle-ci s’est effectuée au détriment des droits des peuples autochtones, dépossédés depuis le 19ème siècle de la majeure partie de leurs territoires, désarticulés sous les impacts cumulatifs du développement industriel et récréatif. En effet, la rivière Péribonka, autrefois axe de transport majeur par canot vers le Nord et milieu de vie pour les Innus, est aujourd’hui harnachée par quatre barrages. Son récit à partir du point de vue autochtone souligne le rapport ambivalent des peuples autochtones du Canada avec le développement industriel et extractif. Ce dernier fait partie d’une géographie coloniale qui a bouleversé un environnement pourvoyeur de subsistance, d’autonomie, d’histoire et d’identité collective. Mais il est aussi porteur d’emplois et d’opportunités économiques. Est ainsi posée la question des « choix » de société complexes que les peuples autochtones doivent faire de par leur insertion obligée dans une économie néolibérale globalisée, et des transformations de leur relation au « territoire » et à la « nature » que ces choix peuvent entraîner.
Irène Hirt est professeure de géographie à l’Université de Genève. Elle travaille depuis une vingtaine d’années sur les processus de réappropriation du territoire par les peuples autochtones des deux Amériques.

Jeudi 14 octobre 2021
Manouk Borzakian
La ZAD de la Colline, une contre-expérience spatiale

S’opposant à l’extension d’une carrière du géant Lafarge-Holcim, des zadistes ont occupé le plateau de la Birette, dans le canton de Vaud, entre octobre 2020 et leur évacuation en mars 2021. Par son action, la Zad de la Colline a proposé une alternative dans et par l’espace à la logique marchande d’exploitation sans limites du vivant. Elle s’est opposée au « consensus spatial » (Henri Lefebvre) faisant du monde tel qu’il est le seul possible. Cette présentation tentera de proposer des clés de lecture géographiques et politiques de cet événement à la fois localisé et aux enjeux globaux.
Manouk Borzakian est géographe, enseignant dans le secondaire en Suisse et chercheur associé au laboratoire Médiations (Sorbonne Université). Ses recherches portent sur les représentations sociospatiales dans le cinéma occidental. Il coanime le blog Géographies en mouvement.

Jeudi 21 octobre 2021
Sebastian Grevsmuhl
Visualisations climatiques et cultures visuelles : une approche au long cours

Cette intervention explorera la longue histoire des visualisations du climat à travers l’analyse d'une grande diversité d'artefacts visuels, notamment de schémas et de courbes, mais aussi de diagrammes, de mappemondes et de modèles visuels. Les cultures matérielles, mais aussi l'imagination, ainsi que différentes sensibilités politiques ont joué jusqu'à aujourd'hui un rôle clé dans la fabrication et la mise en circulation des visualisations climatiques. La conférence montrera comment écrire une histoire au long cours des visualisations climatiques, et en quoi l'approche visuelle peut ouvrir de nouvelles perspectives réflexives sur la question pressante du changement climatique d'origine anthropogénique.
Sebastian Grevsmühl est historien des sciences et spécialiste en histoire environnementale et en études visuelles. Enseignant à l'ENS, à Mines ParisTech et à l'EHESS, il est l'auteur de nombreux articles sur l'histoire des sciences géophysiques, l'histoire environnementale, l'histoire spatiale et polaire, ainsi que sur les cultures visuelles et le rôle des images en sciences. Il a notamment publié La Terre vue d’en haut. L’invention de l’environnement global, coll. « Anthropocène », Paris : Editions du Seuil, 2014.

Jeudi 28 octobre 2021, début de la conférence à 13h
Jean-Baptiste Fressoz
Pour une histoire des symbioses énergétiques et matérielles

Avec l’urgence climatique, l’expression « transition énergétique » a acquis un tel prestige que les historiens en sont venus à l’employer pour décrire toutes sortes de processus, y compris ceux qui furent, à rigoureusement parler, des additions énergétiques. Le problème de la « transition énergétique » est qu’elle projette un passé qui n’existe pas sur un futur pour le moins fantomatique. Cette conférence proposera une nouvelle façon d’aborder l’histoire de l’énergie en tant que dynamique d’accumulation symbiotique.
Jean-Baptiste Fressoz est historien au CNRS et à l’EHESS. Il travaille sur l’histoire de la crise environnementale contemporaine. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages dont, l’Apocalypse joyeuse. Une histoire du risque technologique, Paris, Le Seuil, 2012, l’Evénement Anthropocène, La terre, l’histoire et nous, Paris, Le Seuil, 2016 (avec C. Bonneuil) et plus récemment Les révoltes du ciel. Une histoire du changement climatique XVe-XXe siècles (avec F. Locher). Il travaille actuellement sur l’histoire des symbioses énergétiques et matérielles aux XIXe et XXe siècles.

Jeudi 4 novembre 2021
Anne Sgard

Le paysage dans/pour les transitions. Entre spectacle du changement climatique et discrétion du vivant

Recul des glaciers, velage des calottes glacières, méga-feux, désertification d’immenses plaines, longues files de déplacés environnementaux… les représentations paysagères sont abondamment utilisées pour mettre en spectacle les effets du changement climatique. Si leur efficacité est indéniable, ces usages se cantonnent à certains aspects spectaculaires du changement climatique, et leur contribution à la réflexion sur les transitions est mince. Cette présentation vise à explorer des dimensions plus discrètes de notre rapport paysager à un monde abimé. Le paysage quotidien, celui que nous regardons le matin de notre fenêtre, le long des itinéraires ordinaires, dans notre jardin - ou celui des autres, lors de nos promenades de proximité, nous informe de manière discrète, à travers des signaux faibles mais bien perceptibles parce que familiers, de la diminution de la biodiversité, de la transformation du végétal, de la dégradation des sols, des modifications des rythmes saisonniers, des petits événements météorologiques récurrents… C’est aussi parce qu’elle se transforme que cette discrétion du vivant nous apparaît et nous alerte. Ce paysage ordinaire peut-il être un outil pour réfléchir aux transitions ?
Spécialiste du paysage et de la didactique de la géographie, Anne Sgard est professeure à l’Université de Genève ou elle exerce conjointement au Département de Géographie et Environnement et à l’Institut Universitaire de Formation des Enseignants. Auteure de nombreux articles, elle a récemment co-dirigé Sur les bancs du paysage. Enjeux didactiques, démarches et outils (Métispresses, 2019).

Jeudi 11 novembre 2021
Semaine de lecture


Jeudi 18 novembre 2021
Christian Kull
What’s the goal? What’s the way?  Geography, political ecology, and sustainability

How do disciplines and epistemic communities shape our approaches to research on environment-society challenges?  What are the relative roles of empirics versus critical deconstruction, of dominant models versus analyses of dominance? This presentation will reflect on challenges in a current research project investigating the dynamic changes in Vietnam’s natural forests and exotic plantations, and place these challenges in the context of the historical and current relationship of geography and political ecology to pressing environmental questions.  In doing so, it will touch on the history of Anglophone geography and its inconsistent record  in contributing to environmental politics, the field of environmental studies, and environmental decision-making.  The presentation will also reflect on the posture of political ecology with respect to other approaches to society-environment relations.

Christian Kull est géographe et political ecologist, Professeur à l’université de Lausanne. Ses recherches portent sur les dimensions sociales des changements environnementaux dans les pays en voie de développement, y compris les feux de brousse, les aires protégées, les plantes exotiques, et les forêts. Il est auteur du livre Isle of Fire: the Political Ecology of Landscape Burning in Madagascar.

Jeudi 25 novembre 2021
Lucas Mueller
Avalanches : Histoire Transnationale de la Nature Helvétique (1870-2020)

Les avalanches constituent un phénomène naturel imprévisible, souvent destructeur, terrifiant - et sublime. Elles ont modelé les paysages alpins, les comportements des alpinistes et l’aménagement du territoire. De plus, depuis le dix-neuvième siècle, les avalanches sont devenues en Suisse un objet de recherche scientifique et un problème à gérer pour l’État fédéral et les cantons. A la croisée des recherches scientifiques et des expériences profanes, la Suisse a développé des savoirs scientifiques et des expertises uniques au monde sur les avalanches et tissé un réseau transnational pour exporter ce « savoir suisse ». En 2018, ces savoirs ont été inscrits par l’UNESCO au patrimoine culturel immatériel de l’humanité. A la croisée de la géographie culturelle, de l’histoire environnementale et des études sociales des sciences et des techniques, cette communication propose une vue globale du projet de recherche, la première histoire des savoirs sur les avalanches, leur mobilisation par l’État, et leur circulation transnationale, notamment au Canada, aux États-Unis, et ailleurs.
Lucas Mueller est post-doctorant en géographie et en études des sciences et techniques à l’Université de Genève. Il est titulaire d’un doctorat en histoire et anthropologie des sciences et des techniques du MIT (Cambridge, Mass.), d’un Master en histoire des sciences, de la médecine et des technologies de l’Imperial College London et University College London et d’un Master et d’un Bachelor en chimie de l’EPFZ. En 2020, il a été nommé membre de la Jeune Académie Suisse et est son porte-parole en 2021 et 2022.

Jeudi 2 décembre 2021
Soraya Boudia
Matières à frictions. Terres rares et métaux stratégiques à l’âge de la crise environnementale globale

Cette présentation discutera comment la crise environnementale transforme de manière paradoxale le statut d’un ensemble de ressources stratégiques qui apparaissent comme emblématiques à la fois de la crise environnementale que connaît notre planète et des transformations des conceptions expertes et des politiques publiques dans le cadre de ce qui est désormais qualifié de transition écologique et énergétique.
Soraya Boudia est historienne et sociologue des sciences et de l’environnement, professeure à l’Université de Paris. Elle a conduit un ensemble de travaux sur les rapports entre savoirs et politique. Ses recherches actuelles sont consacrées aux politiques de l’économie verte à l’âge de la crise environnementale. Elle a notamment publié avec Nathalie Jas, Gouverner un monde toxique (Quae, 2019), Powerless Science? Science and Politics in a Toxic World (Berghann, 2014), avec Emmanuel Henry, La Mondialisation des risques. Une histoire politique et transnationale des risques sanitaires environnementaux (Presses Universitaires de Rennes, 2015), avec Angela N. H. Creager, Scott Frickel, Emmanuel Henry, Nathalie Jas, Carsten Reinhardt, Jody A. Roberts, Residues. Thinking Through Chemical Environments (Rutgers University Press, 2021).

Jeudi 9 décembre 2021
Christian Bréthaut
Les discours comme focale d’analyse des dynamiques hydropolitiques

Lorsque l’on traite de gestion de l'eau et de relations internationales, c’est souvent de tensions voir de conflits armés que l’on entend parler. Ceci est d’autant plus le cas avec la cristallisation des effets du changement climatique et la multiplication d’extrêmes (sécheresses ou inondations) impactant souvent bien au-delà des frontières nationales. Toutefois, le lien de causalité entre eau et conflit reste encore à prouver et demeure au centre des travaux académiques centrés sur l’analyse des questions hydropolitiques. Dans cette présentation, nous porterons notre attention sur un projet de recherche intitulé “Monitoring for International Hydropolitical Tensions”. Nous aborderons dans quelle mesure des variables telles que les institutions, les acteurs et les discours permettent de mieux saisir la complexité des dynamiques transfrontalières dans le domaine de l’eau et aborderons les défis à la fois théorique et méthodologique rencontrés durant ce processus de recherche.
Christian Bréthaut est Professeur assistant au Département de Géographie et Environnement de l’université de Genève. Il assure la Direction scientifique du Geneva Water Hub et co-dirige la Chaire UNESCO en hydropolitiques. Ses travaux portent sur les politiques et la gouvernance de l’environnement en général et de l’eau en particulier. Il se concentre sur les problématiques de gouvernance multi-niveaux, sur la gestion transfrontalière et sur les défis posés par l’intersectorialité.

Jeudi 16 décembre 2021 - Séance exclusivement sur ZOOM
Gretchen Walters
Looking forward, looking back: valuing land commons for their biodiversity conservation

What is the role of common lands in biodiversity conservation?  New approaches from international conservation policy and practice seek to provide space for recognising how traditional land practices can be formally recognised for their biodiversity outcomes.  These approaches are being used to help countries achieve their “post-2020” biodiversity targets to protect 30% of their lands and seas by 2030. While some countries will likely continue to create strict protected areas, others may recognise traditional land uses through these new approaches.
This presentation will use the cases of France and Gabon to explore these issues. In France, the “sections de commune”, an ancient land common more typically used for farming and the practice of affouage, are threatened to be abolished by a new law proposal, while at the same time, France has committed to respect local rights, cultural heritage and the biodiversity 2030 targets. It will then take the case of Gabon that seeks to extend its existing protected areas by 2030, and how this could potentially affect common lands and rightsholders surrounding these parks.

Gretchen Walters is an anthropologist and botanist and professor at the University of Lausanne’s Institute of Geography and Sustainability.  She works on nature conservation policy and practice and historical ecology in Western Europe and Central Africa.
 
Jeudi 23 décembre 2021 - Séance exclusivement sur ZOOM
Sophie Swaton
Au-delà de l'éco-anxiété, l'engagement et le revenu de transition écologique

Le rôle des émotions dans la transition écologique est connu. Solastalgie, eco-anxiété, détresse écologique face à un possible effondrement des écosystèmes menacent la santé mentale et le bien-être de nombreuses personnes, devenant même un frein pour la transition. Pourtant, certaines personnes actives dans des initiatives de transition réussie ont réussi à dépasser ce stade, perçu comme inévitable par une certaine littérature. En quoi l'engagement dans des initiatives concrètes comme la mise en oeuvre d'un revenu de transition écologique, permettent-elles de donner des pistes d'explications pour comprendre et mettre en oeuvre des leviers d'actions efficaces? Sur quelles recherches apportées par les neurosciences pouvons-nous mettre l'accent ? C'est ce que nous tenterons d'explorer dans cette communication.

Philosophe et économiste, Sophie Swaton est maître d'enseignement et de recherche à l'Institut de géographie et durabilité de l'Université de Lausanne où elle enseigne et coordonne au sein du master en fondements et pratique de la durabilité. Elle préside également la fondation Zoein qu'elle a créée pour soutenir en Suisse et à l'étranger des initiatives solidaires de transition écologique.