30 août 2023 - Jacques Erard

 

Événements

«Il faut une approche interdisciplinaire de l'intelligence artificielle»

La troisième édition du colloque international «Artificial Intelligence for Industry, Science and Society» aura lieu à Genève du 11 au 15 septembre. Elle réunira des représentant-es des milieux académiques, de l’industrie et d’institutions publiques.


Image: DR

 

Après une première édition à Mexico (en 2019) et une deuxième en ligne (en 2021), le colloque «Artificial Intelligence for Industry, Science and Society»  se déroulera cette année à Campus Biotech. Créé par un groupe de chercheurs en physique et un représentant de l’OCDE et du Global Partnership on Artificial Intelligence (GPAI), l’événement vise à faciliter la réflexion, la communication et le transfert de connaissances sur l’intelligence artificielle.

Fin 2022, les principaux organisateurs, dont Steven Schramm, professeur au Département de physique nucléaire et corpusculaire (Faculté des sciences), étaient occupés à mettre au point le programme du colloque, lorsque ChatGPT a fait irruption sur le devant de la scène. Cette évolution est tombée à point nommé pour attirer l’attention sur la nécessité de promouvoir un usage de l’intelligence artificielle au service du bien commun. «ChatGPT est le parfait exemple d’un développement réalisé par l’industrie sur la base de connaissances émanant de la recherche scientifiques avec de profondes implications pour la société», souligne Steven Schramm.

Comment faites-vous concrètement le lien entre science, industrie et société?
Steven Schramm:
Nous avons la chance d’avoir tissé des liens avec des personnes travaillant dans les trois secteurs. Notre objectif est de les faire s’asseoir autour d’une même table pour qu’elles et ils échangent leurs expériences et leurs idées. Nous visons également à inclure des représentant-es de pays qui, jusqu’ici, ne jouent pas forcément un rôle de leader dans le développement de l’IA, raison pour laquelle nous avons tenu notre première édition à l’Université nationale autonome du Mexique (UNAM). Cette année, nous accueillons de nombreux/euses expert-es de l'IA générative, qui constitue la base de ChatGPT, dont Juha Heikkilä, spécialiste des questions liées à l’IA au sein de la Commission européenne. Cela nous a semblé pertinent étant donné que l’Union européenne vient d'adopter la première législation de ce type au monde sur l’IA (Artificial Intelligence Act).

De quoi s’agit-il?
Ce texte vise à réglementer l’utilisation de l’IA au sein de l’Union, notamment sur la base de critères éthiques et de respect des droits humains.  Il s'agit d'une première étape importante, mais de l’avis de certains elle ne résout qu'une partie du problème. À ce jour, seule l'industrie est à même de poursuivre et de financer des développements tels que ChatGPT. Les fonds de recherche européens  actuels ne sont pas en mesure de s’aligner, ce qui limite la capacité des chercheurs/euses à étudier et à tester ces technologies. Il a donc été suggéré de créer l'équivalent d'un CERN pour l'intelligence artificielle, ainsi qu'une entité mondiale sur le modèle de l'Agence Internationale de l'énergie atomique pour superviser l'utilisation de l'IA. Des discussions dans ce sens ont d’ailleurs eu lieu lors du dernier G7 au Japon.

D’où vient votre intérêt pour l’intelligence artificielle?
 Je collabore avec le CERN, en tant que physicien des particules. C’est un domaine qui génère d'immenses quantités de données complexes. Depuis plus de vingt ans, nous utilisons le machine learning dans notre quête de compréhension des forces fondamentales de la nature. Le CERN a créé le web, lancé le grid informatique et bien d'autres choses encore. Nous déployons ces technologies parce que nous en avons besoin pour nos recherches. Que pouvons-nous faire d’autre avec elles? On voit toutes sortes de choses se créer en science, sans que l’on sache vraiment quel va être leur impact sur la société. C’est pourquoi nous devons constamment avoir des discussions avec des personnes d’horizons divers, comme nous le faisons avec notre événement, afin d’avancer les yeux grands ouverts.

La Suisse fédère ses intelligences

En Suisse, la volonté de fédérer la recherche et les réflexions sur l’intelligence artificielle s’est traduite par la mise sur pied de la plateforme SAIROP, une initiative commune lancée par dix organisations partenaires suisses et coordonnée par l'Académie suisse des sciences techniques. La plateforme fournit une vue d'ensemble détaillée du paysage de la recherche en intelligence artificielle en Suisse. L’UNIGE est partenaire de ce projet. Elle est représentée par Lamia Friha, collaboratrice recherche et développement à la Division du Système et des technologies de l'information et de la communication. SAIROP répertorie les projets en cours et les compétences des institutions de recherche suisses actives dans le domaine de l'intelligence artificielle. La plateforme entend favoriser l'échange de connaissances entre les disciplines et les domaines, tout contribuant à initier de futurs projets d'innovation.


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