Concepts théoriques

Une brève histoire de l’enseignement des sciences

LA LEÇON DE CHOSES

La leçon de choses s’est imposée en France comme une méthode d’enseignement des sciences de la fin du XIXe siècle jusqu’à la refonte des programmes en 1957. Cette méthode consistait à mettre l’élève en présence d’objets concrets, afin de lui faire acquérir une idée abstraite. Ainsi, les caractéristiques des objets et les phénomènes scientifiques étaient appréhendés par l’observation et par l’ensemble des informations perçues par les cinq sens. Il fallait donc procéder à une réelle éducation des sens.
La leçon de choses mettait aussi l’accent sur l’apprentissage d’un vocabulaire spécifique, sous-entendant que la compréhension d’un phénomène scientifique correspondait à un double apprentissage, une chose et un mot, un fait et son expression.

LA PÉDAGOGIE DE L’ÉVEIL

La pédagogie de l’éveil, mise en place dès les années 1960, s’est appuyée sur les nouvelles théories du développement de l’enfant diffusées à cette époque. Ainsi, la psychologie cognitive a progressivement révélé certains mécanismes de l’apprentissage, notamment l’importance de tenir compte des « représentations » (ou « conceptions ») de l’élève et montré les limites d’une méthode basée sur l’observation, une approche positiviste, empiriste et inductive, comme l’était la leçon de choses. L’apprentissage consiste dès lors plus en une interprétation, une reconstruction ou une transformation de concepts qu’en une simple mémorisation. La pédagogie de l’éveil part donc des questionnements de l’élève, de ses conceptions et du primat de la problématisation sur l’observation. L’accent est mis sur l’activité de l’élève et sur l’importance du tâtonnement expérimental.

LA DÉMARCHE EXPÉRIMENTALE

La pédagogie de l’éveil, jugée trop générale, a été écartée au début des années 1980 avec l’apparition dans les plans d’études d’un plus grand cloisonnement disciplinaire, parallèlement à l’engagement, dans le secondaire, d’enseignants possédant des formations universitaires spécifiques (physiciens, chimistes, biologistes etc).
La démarche expérimentale s’est imposée sous l’impulsion des enseignants qui voyaient une méthode permettant d’améliorer l’acquisition des connaissances scientifiques tout en rendant les élèves « actifs ». Cependant, elle a souvent été dénaturée par ceux et celles qui l’ont introduite dans les classes. Une vision figée de la démarche expérimentale se met alors en place dans les pratiques et devient un modèle à suivre pas à pas, donnant naissance à la fameuse formule OHERIC (Observation, Hypothèse, Expérience, Résultats, Interprétation, Conclusion).
Aussi, sous prétexte de les rendre actifs, les élèves sont amenés à réaliser des expériences pour voir ou pour comprendre des concepts scientifiques, plutôt que pour véritablement mettre à l’épreuve des hypothèses.

LA DÉMARCHE D’INVESTIGATION

Au début des années 2000, de nouveaux plans d’études (DIP, 2000 – MEN, 2000) ont vu le jour, en Suisse comme en France, souhaitant marquer, une fois encore, un tournant vis-à-vis d’un enseignement scientifique s’attachant presqu’exclusivement à faire acquérir des connaissances théoriques.En réaction aux lacunes des élèves dans le traitement des problèmes scientifiques et à une désaffection des filières scientifiques, un groupe d’experts de la Commission européenne, présidé par Michel Rocard (Rocard & al. 2007), recommande d‘instaurer une approche basée sur la démarche d’investigation. Cette méthode, initiée dès la fin des années 1990 dans les pays anglo-saxons (National Research Council, 1996), met alors tout autant l’accent sur le développement de compétences que sur la construction de concepts scientifiques, ainsi que sur la motivation des élèves. Ainsi un repositionnement apparaît clairement dans les finalités de l’enseignement des sciences: l’acquisition des connaissances est relativisée en faveur d’un enseignement cherchant à développer chez les élèves des démarches, des attitudes et une culture scientifiques. La démarche expérimentale se voit ainsi progressivement destituée au profit de la démarche d’investigation, qui affiche de manière plus explicite des ambitions de développement de savoir-faire et de savoir-être.