17 décembre 2020 - Alexandra Charvet

 

Analyse

Protéger les enfants des conflits armés

Le 25 mai 2000, le Protocole facultatif concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés (OPAC) était adopté par les Nations unies. Pour commémorer les 20 ans de ce document, une page web recense les témoignages de personnalités internationales sur des questions essentielles liées à la protection des mineur-es.

 

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«L’enfant naufragé», œuvre attribuée à l’artiste de rue Bansky. Biennale de Venise 2019.
Photo: G. Cottini/AFP

 

OPAC. Cet acronyme de quatre lettres a été choisi pour désigner l’Optional protocol to the convention on the rights of the child on the involvement of children in armed conflict, une convention qui vise à protéger les enfants des conflits armés. Adopté par l’Assemblée générale des Nations unies en mai 2000, le document a été ratifié depuis par 170 États. Pour commémorer les 20 ans de son adoption, le Centre interfacultaire en droits de l’enfant (CIDE) publie le témoignage de quatre personnalités sous la forme de capsules vidéo à voir sur son site web. L’occasion pour LeJournal de poser trois questions au professeur Philip D. Jaffé, membre du Comité des droits de l’enfant des Nations unies.

LeJournal: Quelles sont aujourd’hui les priorités en matière de protection des enfants dans les conflits armés?
Philip D. Jaffé
: Ce sont bien sûr les actions concernant les populations d’enfants vulnérables directement exposées à un conflit armé: il s’agit de les mettre à l’abri des hostilités. Néanmoins, l’action la plus urgente actuellement consiste à rapatrier les enfants retenu-es dans les camps du Kurdistan syrien, certains pays peinant encore à entreprendre des actions en vue du retour de leurs ressortissant-es mineur-es. J’aimerais toutefois mettre l’accent sur une face cachée des conflits armés liée au recrutement d’enfants. Si l’on pense immédiatement aux garçons soldats, il faut savoir que de grandes populations de filles sont également recrutées, comme aides domestiques ou pour la consommation sexuelle des combattants. Les États doivent absolument prendre des dispositions pour régler ces questions de violences basées sur le genre. Des mécanismes forts doivent aussi être mis en place pour réagir au déni de l’aide humanitaire. Plusieurs États dressent en effet des obstacles pour que celle-ci ne puisse pas atteindre les populations civiles, ce qui affecte directement les enfants, mais cette violation n’est pas encore prise en compte par les institutions internationales. Enfin, il est nécessaire de renforcer la Déclaration sur la sécurité dans les écoles, un texte qui interdit explicitement les attaques contre les établissements scolaires ou l’utilisation militaire des écoles et des universités.

Comment le Comité des droits de l’enfant agit-il dans le cadre de l’OPAC?
Notre seul levier est la mise au pilori des États qui ne respectent pas les règles. Nous sommes conscients que les effets en sont limités. Les États récalcitrants sont difficiles à convaincre et nous n’avons pas d’outils pour le faire. Les pays où nous avons beaucoup de peine à intervenir sont ceux qui n’ont pas de gouvernement fonctionnel, comme la Syrie, l’Afghanistan ou la Somalie. En matière de droits humains, ce ne sont que les pays les plus volontaires qui entreprennent de réduire les violations des droits fondamentaux, mais heureusement la plupart des gouvernements sont de bonne foi. Même s’ils essayent parfois de cacher l’ampleur de ce qui se passe chez eux, une fois mis devant les faits, ils agissent de manière responsable. Récemment, nous sommes intervenus dans un pays d’Amérique latine en proie à une insurrection armée dans l’une de ses régions. Le pays héberge des camps de réfugié-es dans lesquels les insurgés recrutent des enfants. Le Comité a donc poussé le gouvernement à prendre des précautions dans sa lutte contre ce soulèvement, notamment pour qu’il identifie et protège ces enfants en les traitant différemment des combattants. Nous l’avons aussi incité à mettre en place des actions de prévention dans les camps, en informant les enfants réfugié-es des risques encourus.

Vingt ans après l’adoption de l’OPAC, que reste-il à entreprendre?
Nous comptons sur cette année de célébration pour renforcer la ratification de l’OPAC afin qu’elle devienne universelle. Dix-sept États n’ont pas encore adopté le protocole. Il s’agit de petits États peu concernés par le sujet, comme le Samoa, d'États généralement réfractaires à s’engager sur le plan du multilatéralisme ou encore d'États comptant parmi ceux qui commettent le plus de violations, comme l’Afghanistan. Cette commémoration est aussi l’occasion de donner un nouvel élan à l’OPAC, en faisant converger l’ensemble de la surveillance des exactions auprès d'une seule instance onusienne, en lieu et place des multiples entités actuelles. Cela permettrait de mettre en place de nouveaux mécanismes pour renforcer le respect des règles par les États. La plupart de ces pays se situent dans des zones pauvres et ont besoin de financements pour assurer leur reconstruction. L’aide au développement pourrait notamment être utilisée comme levier.

 

 

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