LeJournal: Comment fait-on concrètement pour rechercher de la vie ailleurs que sur Terre?
Émeline Bolmont: La première étape consiste à identifier les planètes susceptibles de présenter de l’eau liquide à leur surface. C’est en effet un ingrédient que nous pensons essentiel à la vie, tant pour son apparition que pour sa continuité. Bien sûr, cela ne vaut que pour une forme de vie identique à celle que nous connaissons mais il faut bien commencer quelque part. Après avoir défini la zone autour d’une étoile dans laquelle les planètes peuvent potentiellement posséder cette eau de surface – ce qu’on appelle la zone habitable en astronomie –, il faut rechercher des traces qui pourraient indiquer la présence de vie.

Quelles peuvent être ces traces?
Dans le système solaire, des signes d’activité biologique sont recherchés grâce à l’analyse d’échantillons de sol et de roche. Hors de notre système, c’est la composition chimique de l’atmosphère des planètes qui est analysée afin d’y trouver des gaz qui ne peuvent provenir que d’organismes vivants – les biosignatures. Toutefois, l’oxygène qu’on pensait être une bonne biosignature jusqu’ici ne l’est pas pour les planètes étudiées actuellement, qui sont très différentes de la Terre. Des mécanismes non biologiques peuvent en effet avoir eu pour conséquence d’enrichir leur atmosphère en oxygène.

Comment est-il possible de détecter de l’oxygène sur des planètes situées à plusieurs centaines d’années-lumière?
Quand une planète passe devant le disque de son étoile, une certaine partie de la lumière stellaire traverse son atmosphère. Il est possible d’analyser la composition de cette dernière grâce à la spectroscopie dite de transit. Le télescope James-Webb examine actuellement le système planétaire Trappist-1, qui possède des planètes situées dans la zone habitable. Une autre méthode consiste à étudier la lumière qui est réfléchie par l’exoplanète. L’instrument genevois Ristretto, prototype d’un futur instrument qui sera installé sur le télescope géant européen ELT au Chili, a été conçu pour détecter la lumière réfléchie par Proxima b, l’exoplanète la plus proche de nous qui est potentiellement capable de posséder de l’eau liquide à sa surface.

Quelles recherches sont menées dans notre système solaire?
Si Mars se situe dans la zone habitable du Soleil, elle ne présente pas d’eau liquide à sa surface. Mais la planète a été habitable dans le passé. Des traces montrent en effet que de l’eau y a coulé pendant un certain temps. La question est de savoir si ce temps a été suffisamment long pour que des formes de vie y aient apparu. Si rien ne survit à la surface de Mars compte tenu de son atmosphère ténue et bombardée d’ultraviolets, une forme de vie ancestrale a pu migrer sous terre. Si c’est le cas, des organismes vivants ou des fossiles pourraient être trouvés grâce au rover Perseverance, qui collecte actuellement des échantillons dans le sol martien.

Pensez-vous qu’une vie extraterrestre pourra être découverte durant votre carrière?
Si je devais parier sur une chose, c’est que l’on découvrira probablement de la vie dans le système solaire avant d’en trouver sur les exoplanètes. Il est en effet extrêmement complexe de mener des recherches sur ces dernières, tant du point de vue instrumental que du point de vue théorique: qu’est-ce qu’on doit chercher et pourquoi? Dans le système solaire, l’avantage est que des échantillons peuvent être prélevés en allant sur place. Quelque chose sera peut-être trouvé dans les échantillons martiens quand ils seront rapportés sur Terre. Certaines lunes glacées des géantes gazeuses – Jupiter et Saturne – sont également de bonnes candidates pour l’émergence de la vie. Ce serait évidemment fantastique que l’on découvre d’autres civilisations intelligentes dans l’Univers. Mais nos recherches sur les exoplanètes se focalisent sur une forme de vie beaucoup plus primitive qu’une vie intelligente, même si cette dernière doit être suffisamment développée pour avoir impacté son atmosphère.

Réfléchir à la vie extraterrestre vous amène-t-il à porter un autre regard sur la vie terrestre?
Notre planète est unique, c’est la seule que nous connaissons à abriter une vie foisonnante et diverse. Il faut la préserver car nous n’en avons pas encore détecté de semblable. Malheureusement, même si nous en trouvions une, les distances sont tellement grandes que nous ne pourrions jamais nous y rendre.