22 septembre 2022 - Melina Tiphticoglou

 

Événements

Clap de fin pour Didier Pittet

Le charismatique médecin genevois à l’origine de la généralisation du gel hydro-alcoolique pour l’hygiène des mains en milieu hospitalier donnera sa leçon d’adieu le mardi 27 septembre.


 

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Didier Pittet. Photo: F. Coffrini / Keystone/AFP

 

Après des mois de pandémie de Covid-19, on s’était presque attaché à lui. Il était alors de tous les médias. D’une présence, rassurante, il expliquait avec clarté et pédagogie la situation, répétant inlassablement les recommandations, témoignant de la situation hospitalière, détaillant patiemment les courbes, commentant les décisions des autorités. Mais surtout, il était celui qui avait popularisé la solution hydroalcoolique. Initialement conçu pour le milieu hospitalier, ce petit flacon s’est retrouvé dans toutes les poches dès mars 2020. Quelques mois plus tard, le président de la République française confiait au médecin l’évaluation de la gestion de la pandémie. Aujourd’hui, il est l’heure pour Didier Pittet, professeur à la Faculté de médecine de l’UNIGE et médecin-chef du Service de prévention et contrôle de l’infection aux HUG, de prendre sa retraite.

 

Lors de la leçon d’adieu qu’il donnera le mardi 27 septembre (12h30, auditoire Jenny, HUG), Didier Pittet reviendra sur près de quarante ans de carrière. Mise au point au début des années 1990 et soutenue par l’OMS depuis 2005, sa méthode pour l’hygiène des mains a permis de réduire de moitié les infections nosocomiales, ces maladies qui s’attrapent à l’hôpital et qui déciment encore, chaque année, environ 8 millions de personnes dans le monde. L’aventure a parfois été mouvementée et Didier Pittet expliquera comment il s’est retrouvé confronté à une certaine résistance au changement, à la disparité des ressources, ainsi qu’aux barrières administratives, sociales, ethniques, politiques, culturelles, ou encore religieuses. Enfin, celui qui, à rebours de l’économie de marché, a souhaité rendre ce produit accessible à tous, cédant la formule à l’OMS, expliquera pourquoi l’adaptation, la promotion de la créativité, la co-création et le respect du bien commun constituent les clefs de voûte d’une diffusion globale.

 

PANDÉMIES SILENCIEUSES: COMMENT LES APPRÉHENDER?

Leçon d'adieu de Didier Pittet, professeur à la Faculté de médecine de l’UNIGE et médecin-chef du Service de prévention et contrôle de l’infection aux HUG

Mardi 27 septembre 2022 | 12h30
Auditoire Marcel Jenny (HUG)

Didier Pittet, un docteur aux mains propres

La prévention des infections, Didier Pittet est, pour ainsi dire, tombé dedans alors qu’il était étudiant et, depuis, il n’en est plus ressorti. C’est Francis Waldvogel, chef de la médecine interne et du laboratoire de bactériologie des HUG, qui le prend sous son aile et l’encourage à s’intéresser aux maladies nosocomiales. Il fait ses premières armes à Genève, mais c’est aux États-Unis – où il passera trois années dans le Service de prévention de l’Hôpital universitaire d’Iowa City, pionnier dans le domaine – qu’il apprendra le métier et se spécialisera en épidémiologie. De retour à Genève, en 1992, il fonde le Service de prévention et contrôle de l’infection des HUG, qu’il dirige encore aujourd’hui. S’entourant d’une solide équipe d’infirmières spécialisées, il se met immédiatement à la tâche: mesurer les taux d’infection dans l’hôpital, car «si tu ne sais pas à quelle vitesse tu roules sur la route, tu ne peux pas respecter les limitations. La surveillance des infections est le premier pas de leur prévention», raconte-t-il dans Le Geste qui sauve de Thierry Crouzet (L’Âge d’Homme, 2014), livre qui fait le récit de son parcours.

Les premiers résultats sont alarmants: les infections n’épargnent aucun service, 18% en moyenne, avec des pics à plus de 30% aux Soins intensifs. Didier Pittet en déduit peu à peu que ce sont les mains des soignant-es qui véhiculent les infections, puis constate que se laver constamment les mains – un geste qui prend une à deux minutes et qu’il faut répéter une vingtaine de fois par heure – ne leur est tout simplement pas possible. Le jeune médecin a alors l’idée de remplacer le savon par l’alcool. À la pharmacie des HUG, son chemin croise celui de William Griffiths, spécialiste des solutions alcoolisées, avec lequel il va développer la solution hydroalcoolique que l’on connaît toutes et tous aujourd’hui. En 2000, un article du Lancet, la revue médicale de référence au niveau international, confirme les vertus de ce «Geneva Model» qui augmente l’observance de l’hygiène des mains et diminue par deux, voire quatre, les infections nosocomiales.

Sa méthode, soutenue par l’OMS depuis 2005, est désormais appliquée dans le monde entier. Lorsqu’en 2006, de passage dans un hôpital kényan, il découvre que les flacons employés pour le lavage des mains y sont vendus trois fois plus cher qu’en Europe ou aux États-Unis, il décide, toujours avec l’aide de William Griffiths, de créer la formule la plus simple et la plus économique possible. Puis il la donne à l’OMS et rend ainsi les parmacien-nes du monde entier autonomes dans leur production. En 2020, lorsque éclate la pandémie de Covid-19 et que la demande en solution hydroalcoolique explose, la pénurie ne durera que quelques jours: grâce à la formule de l’OMS, les laboratoires, parfumeurs et officines se mettent immédiatement à fabriquer de grandes quantités d’un produit de qualité.

Au printemps 2020, en pleine pandémie, alors que les autorités matraquent la population de messages de prévention insuffisamment suivis, Didier Pittet s’engage pour mobiliser les jeunes. Il met sur pied la campagne Stop Covid qui fait appel à près de 100 personnalités suisses. Des dessinateur-trices (Chappatte, Zep), des musicien-nes (S. Eicher), des sportif-ives (S. Wawrinka) ainsi que des humoristes très suivi-es sur les réseaux sociaux (Le Grand JD, M. Rollmann, T. Wiesel) adaptent le message pour mieux le transmettre. Charismatique et généreux, il se prête au jeu et intervient dans toutes sortes de situations, sur le plateau de 120 minutes comme sur celui du téléjournal.

Didier Pittet est lauréat de multiples récompenses internationales. En 2007, il est élevé au rang de Commandeur de l’Ordre de l’Empire britannique par Sa Majesté la reine Elisabeth II.


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