3 novembre 2022 - Alexandra Charvet

 

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«Un soin peut apporter plus de risques que de bénéfices»

Une conférence fait le point, ce jeudi 3 novembre à 19h, sur le concept de «smarter medicine», qui prône la sobriété dans les soins. Des études montrent en effet que certains traitements inutiles s’avèrent délétères pour les malades.

 

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Les patient-es montrent souvent de l’incompréhension à l’égard des soignant-es qui restreignent le nombre d’examens. Image: sebra

 

Ces dernières décennies, les progrès de la science médicale ont fait exploser le nombre d’examens diagnostiques et d’actes thérapeutiques pratiqués dans les pays développés. De plus en plus d’études apportent aujourd’hui la preuve que certains traitements inutiles s’avèrent nuisibles pour les patient-es, tout en faisant augmenter les coûts de la santé ainsi que son poids sur l’environnement. Né de ce constat, le mouvement international «Choosing wisely» s’articule autour du concept de «sometimes less is more» (moins, c’est parfois mieux). En Suisse, cet élan se développe depuis quelques années sous la bannière de smarter medicine avec pour objectif non pas de faire des économies au détriment des malades, mais bien d’offrir des soins de meilleure qualité de manière durable et équitable.

 

Pour enrichir le débat sur la médecine de demain, l’Institut universitaire de médecine de famille et de l’enfance (Faculté de médecine) organise une conférence le 3 novembre à 19h. «Un soin peut apporter plus de risques que de bénéfices, explique Omar Kherad, professeur au Département de médecine et représentant de l’association Smarter medicine – Choosing wisely Switzerland, dans une interview pour l’émission CQFD. Les transfusions sanguines en sont l’un des exemples les plus caractéristiques. Si on donne trop de sang, non seulement on dépense inutilement une ressource qui est rare et coûteuse, mais on risque de porter davantage préjudice au/à la malade, notamment en augmentant les risques de mortalité ou de prolongation du séjour hospitalier. Une liste de ces actes médicaux, qui sont au mieux inutiles mais peuvent au pire s’avérer néfastes pour le/la patient-e, a ainsi été publiée par la Société suisse de médecine interne générale.» Le professeur cite d’autres exemples comme la surprescription des inhibiteurs de la pompe à protons. Prescrits de manière injustifiée, ils peuvent accroître de manière significative le risque d’infection digestive. Quant aux médicaments sédatifs, surutilisés dans les hôpitaux en Suisse pour des problèmes d’insomnie, ils sont associés à des risques de chute.

Pour le professeur, il ne s’agit toutefois pas de «médecine au rabais». Il en veut pour preuve que le mouvement smarter medicine est soutenu par les associations de défense des intérêts des patient-es. «L’objectif est d’améliorer la qualité et la sécurité pour les patient-es, relève Omar Kherad. Les examens sont analysés sous l’angle de leurs risques potentiels. L’intérêt économique peut être présent, comme bénéfice collatéral, mais uniquement s’il converge avec l’intérêt du/de la patient-e.» Quant au paradoxe de la prévention, où des examens diagnostiques sont réalisés sans qu’aucun symptôme ne soit apparent, il ne déstabilise pas le spécialiste: «La prévention ne signifie pas forcément des examens, rétorque Omar Kherad. Elle passe par des recommandations, de l’éducation, de l’enseignement. La Société de médecine interne américaine a par exemple placé dans sa liste d’actes inutiles les check-up annuels. S’il est important de voir un médecin pour obtenir des recommandations, il n’est pas forcément nécessaire de réaliser une prise de sang chaque année. Celle-ci peut générer de faux positifs par exemple, provoquant une cascade d’examens complémentaires qui peuvent faire courir un risque inutile au/à la patient-e.»

La conférence d’Omar Kherad sera suivie d’une table ronde réunissant des acteurs/trices varié-es, à même de développer la perspective des patient-es, du monde médical ou encore de l’État pour faire émerger une vision commune pour le futur. «Les patient-es montrent souvent de l’incompréhension à l’égard des soignant-es qui restreignent le nombre d’examens, regrette Johanna Sommer, directrice de l’Institut de médecine de famille et de l’enfance. Dans ce monde de surconsommation, la médecine n’est en effet pas épargnée par la course au «toujours plus». Il nous a donc semblé essentiel de mettre autour de la même table soignant-es et patient-es pour réfléchir ensemble à la manière de pratiquer une médecine la plus efficace et la moins néfaste possible.»

SMARTER MEDICINE – PATIENT-ES ET MÉDECINS, LE DÉFI D’AGIR ENSEMBLE

Conférence par Omar Kherad, professeur au Département de médecine et représentant de l’association Smarter medicine – Choosing wisely Switzerland, suivie d’une table ronde en présence de patientes, soignant-es et politicien

Jeudi 3 novembre | 19h | CMU, auditoire Müller


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