Journal n°111

«La crise du climat peut générer de nouvelles opportunités»

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A la veille de la Conférence de Paris sur les changements climatiques, le professeur Martin Beniston explique les enjeux de ce rendez-vous. Il participera à une table ronde organisée à l’UNIGE le 25 novembre

Du 30 novembre au 11 décembre, Paris accueillera la 21e Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (COP21). Ce rendez-vous représente une échéance cruciale, dans la mesure où il doit aboutir à un nouvel accord international sur le climat, applicable à tous les pays, dans l’objectif de maintenir le réchauffement mondial en deçà de 2 °C. Le point sur les objectifs de cette conférence et sur les attentes qu’elle génère avec le climatologue Martin Beniston, professeur à l’Institut des sciences de l’environnement.

Après l’échec de la conférence de Copenhague, en 2009, les attentes envers Paris 2015 ne sont-elles pas trop grandes?

Martin Beniston: Les attentes sont à la taille des enjeux et de leur urgence. S’il est vrai que Copenhague demeure un échec, malgré quelques avancées sur des points techniques, bien des choses ont changé depuis. Alors que cette conférence suivait la logique qui prévaut depuis le Protocole de Kyoto, à savoir définir un accord et une stratégie globale imposée par en haut, Paris 2015 tente une autre approche, par le bas cette fois. Chaque nation y présentera en effet les mesures individuelles qu’elle entend adopter pour maintenir le réchauffement mondial en deçà de 2 °C. L’objectif demeure le même, mais les pays pourront adopter des mesures correspondant mieux à leurs réalités politique, économique, sociale et culturelle. Cette prise en compte de la diversité est essentielle: les Etats-Unis prônent par exemple des mesures volontaires et sont rebutés par les mesures autoritaires, ce qui était l’un des problèmes de l’actuel Protocole de Kyoto. La situation est inverse en Europe. Mais les mesures volontaires prises par un Etat comme la Californie sont en tout cas autant agressives en faveur du climat que ce que les Européens voudraient imposer. Mais même ainsi, rester sous la barre des 2 °C représente un très grand défi: la communauté scientifique estime que les mesures discutées se traduiront par une hausse de la température de 2,7 à 3,5 °C.

Quelle est justement la place de la science à Paris?

Chaque délégation nationale est accompagnée de scientifiques. Leur rôle est d’estimer la pertinence des mesures présentées. Les contours du changement climatique sont bien connus. La balle est donc désormais dans le camp des décideurs politiques et économiques. Les chercheurs ont fait leur travail, et leur discours n’a guère évolué ces dix à quinze dernières années. Nous avons certes analysé plus finement certains aspects, comme les impacts climatiques sur l’hydrologie ou les écosystèmes, mais les grandes lignes des scénarios climatiques n’ont pas beaucoup varié.

Cette unanimité n’apparaît toutefois pas dans les médias ou dans l’action des politiques?

Le nombre de climatosceptiques est restreint, mais les médias leur accordent beaucoup de place. Peut-être parce qu’ils représentent une opinion qui n’est pas dominante. Pour nous, il est difficile de combattre un discours non scientifique, qui tient davantage de la croyance ou du lobbying. Mais ce différend a au moins eu pour mérite de nous apprendre à mieux communiquer.

De quelle manière?

Avant Rio, les scientifiques présentaient le changement climatique d’une manière très sombre, voire catastrophiste. Mais on peut aussi voir le problème par l’autre bout de la lorgnette et démontrer que les solutions à la question climatique peuvent générer de nouvelles opportunités, de nouvelles technologies, de nouveaux marchés, de nouveaux emplois. Les périodes de transition sont toujours anxiogènes pour les acteurs économiques en place qui doivent revoir leurs modèles d’affaires. Mais ceux qui montent dans le train à l’heure auront ensuite plusieurs longueurs d’avance.