Journal n°130

Femmes professeures: un plafond de verre difficile à briser

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Quelles sont les actions entreprises en faveur de l’égalité des genres dans le milieu universitaire?

Le 3 mars dernier à l’UNIGE, 27 hautes écoles et universités suisses étaient rassemblées pour répondre à cette question en présentant les différents plans d’actions mis en place dans le cadre du lancement du nouveau programme «Égalité des chances et développement des hautes écoles 2017-2020».

Ces actions seront en partie financées au niveau fédéral. L’opportunité pour Brigitte Mantilleri, directrice du Service égalité de l’UNIGE, de revenir sur les mesures mises en place par l’Université et de dresser le bilan de l’égalité à l’UNIGE.

Dans le cadre du programme 2017-2020, les actions phares de l’UNIGE sont la lutte contre le harcèlement, la visibilité des chercheuses, le genre et la science. Pourquoi avoir choisi ces axes?
Brigitte Mantilleri: Ces trois axes ont été choisis en observant les préoccupations suisses et européennes. On s’est en effet concentré sur les sciences exactes, car la sous-représentation féminine est encore plus importante dans ces options d’étude. De plus, une partie de cet axe «genre et science» se compose de la «Gender innovation», un domaine qui se développe dans toute l’Europe. Le harcèlement a, quant à lui, été choisi, car c’est une problématique fortement discutée dans la cité.

À titre d’exemple, les cercles d’étudiants et d’étudiantes suisses ont organisé, le 23 mars, la première Journée nationale contre le harcèlement. L’Université n’est pas un monde clos, comme l’a montré la récente étude sur le sexisme à l’UNIGE de Kléa Faniko. L’institution prend donc en compte tant les besoins de la cité que les innovations qui s’y développent.

La Suisse a encore une vision très conservatrice du rôle de la femme et de l’homme

À l’entrée en bachelor à l’UNIGE, 60% de la population est féminine. Ce chiffre est à peine supérieur à 20% lorsqu’on considère le nombre de femmes professeures. Pourquoi?
Plusieurs facteurs pourraient être avancés. Premièrement, l’Université est une institution de tradition masculine. Elle est ouverte aux femmes depuis 1873, mais elle n’a pas réellement changé sa manière de fonctionner.

Deuxièmement, il faut prendre en considération la société dans laquelle on se trouve. La Suisse a en effet une vision encore très conservatrice du rôle de la femme et de l’homme. Les femmes sont par exemple moins encouragées à s’orienter vers les sciences. Elles sont également moins habituées à user de stratégie en ce qui concerne leurs carrières. La proportion de femmes se dirigeant vers les sciences exactes ou l’informatique est d’ailleurs plus importante dans d’autres régions du monde comme les pays de l’Est, l’Asie où l’Italie.

Finalement, il faut considérer les biais de genre et les stéréotypes. On ne lit pas, par exemple, un CV masculin et féminin de la même manière. Virginia Valian, professeure américaine de psychologie au Hunter College, a d’ailleurs mis en exergue le fait qu’on n’écoute et n’entend pas les femmes de la même manière que les hommes.

On s’aperçoit que des thèmes comme l’égalité et le harcèlement sont plus régulièrement débattus. Les inégalités sont par ailleurs de moins en moins acceptées au sein de l’institution.

Quelles actions ont été prises pour remédier à cette sous-représentation féminine?
De nombreuses actions ont été développées comme, par exemple, des programmes de mentorat, des campagnes de sensibilisation et d’information. On a également mis en place un Subside tremplin pour que les jeunes chercheuses puissent étoffer leur dossier académique. En effet, des études ont montré que les doctorantes consacraient plus de temps aux tâches administratives et à l’encadrement des étudiants et étudiantes. Elles ont donc moins de temps pour écrire des articles scientifiques ou publier leur thèse.

Quel bilan tirez-vous de ces actions?
Quand on considère les chiffres, le bilan est bon. On est passé de 4,8% de professeures ordinaires en 1990 à 18,8% en 2016. L’évolution est certes lente, mais elle va dans le bon sens. Il convient néanmoins de relativiser ces chiffres. En effet, si le pourcentage de femmes professeures ordinaires a augmenté, on remarque malgré tout qu’au cours de ces cinq dernières années le nombre total de professeurs ordinaires masculin et féminin a augmenté de manière identique.

Cependant, on s’aperçoit que des thèmes comme l’égalité et le harcèlement sont plus régulièrement débattus. Une sensibilisation à ces problématiques s’opère donc très fortement en interne. Les inégalités sont par ailleurs de moins en moins acceptées au sein de l’institution.

La mixité au sein d'une entreprise augmente le rendement

Outre les considérations éthiques, pourquoi est-ce important qu’il y ait des femmes aux postes clés?
Plusieurs études démontrent que la mixité – qu’elle soit ethnique, de genre ou sociale – au sein d’une entreprise augmente le rendement. La raison est la grande diversité de points de vue et d’expériences qui en découle.

Néanmoins, il est aussi démontré qu’un individu ne suffit pas, car face à un groupe homogène il aura tendance à limiter son opinion. En effet, personne ne peut porter seul le poids de la diversité.

Vous avez récemment collaboré à la réédition de la charte éthique  de l’UNIGE, qui consacre un volet important au respect de la personne. En quoi cela était-il important?
Il était essentiel de rappeler l’existence de ce cadre. Avoir des lois et des règles de bonne conduite n’est pas suffisant. Il faut les faire connaître et les répéter. Cette charte était d’autant plus importante que l’Université a un rôle d’exemplarité à jouer. D’abord dans la mise en place d’une recherche éthique et ensuite parce que son rôle est de former des citoyens et des citoyennes qui sont souvent destinés à des postes significatifs dans la société.

Une institution comme la nôtre se doit donc d’être exemplaire.