Journal n°130

Un transistor pour contrôler les terahertz, ondes rebelles

Une équipe menée par Alexey Kuzmenko, chercheur au Département de physique de la matière quantique (Faculté des sciences), a réussi à mettre au point un transistor capable de contrôler l’intensité et la polarisation d’ondes terahertz, un rayonnement appartenant à l’infrarouge lointain que les scientifiques tentent avec difficulté de dompter depuis plus de 50 ans.

Un pouvoir pénétrant, comparable mais moins puissant que les rayons X, sans pour autant ioniser les atomes

L’invention, réalisée dans le cadre du projet européen Graphene Flagship et présentée dans un article paru le 7 mars dans la revue Nature Communications, est basée sur l’utilisation du graphène, soit une couche monoatomique de carbone. Elle promet une avancée importante dans une technologie en plein essor. Les ondes terahertz ont en effet un pouvoir pénétrant, comparable mais moins puissant que les rayons X, sans pour autant ioniser les atomes qu’elles croisent. Les applications potentielles sont nombreuses aussi bien dans la recherche scientifique que dans les télécommunications ou la sécurité.

Les ondes terahertz désignent un domaine du rayonnement électromagnétique qui s’étale de 300 gigahertz à 3 terahertz. Il se situe donc entre les derniers infrarouges et les premières micro-ondes. Le milieu interstellaire de la Voie lactée ainsi que les lointains sursauts gamma produisent naturellement de telles ondes. Comme elles sont absorbées par la vapeur d’eau contenue dans l’atmosphère, elles ne peuvent être détectées que depuis l’espace. Depuis moins de dix ans, les ingénieurs commencent à mettre au point des sources artificielles d’ondes terahertz, notamment à l’aide d’un laser à cascade quantique, mais sans en contrôler certains paramètres clés.

Il se trouve que l’interaction entre la lumière terahertz et les électrons du graphène est très forte. Alexey Kuzmenko et ses collègues ont donc supposé qu’il devait être possible d’utiliser ce matériau aux propriétés surprenantes pour contrôler ces ondes rebelles.

Ils ont ainsi mis au point un dispositif à base de graphène qui fonctionne comme un transistor et dont la taille ne dépasse pas celle d’une petite pièce de monnaie.

Une communication à courte distance 10 à 100 fois plus rapide que le wifi ou les ondes radio

En combinant le champ électrique, qui permet de contrôler le nombre d’électrons du graphène et donc de laisser passer plus ou moins de lumière, et le champ magnétique qui courbe les orbites électroniques, les physiciens genevois ont été en mesure de contrôler non seulement l’intensité des ondes terahertz mais aussi leur polarisation. Ils ont pu effectuer ce contrôle sur toute la gamme de fréquences des terahertz.

Espérant produire un prototype industriellement compétitif d’ici à quelques années, les chercheurs rêvent déjà aux applications possibles: une communication à courte distance 10 à 100 fois plus rapide que le wifi ou les ondes radio, une technique d’imagerie qui n’altère pas l’ADN ou encore des systèmes de sécurité sensibles aux métaux, plastiques et autres matières organiques. —