Journal n°130

En mission d’enseignement auprès des réfugiés de Kakuma

Il y a d’abord le tarmac en terre de l’aéroport, la traversée des zones rurales de Kakuma et les classiques images d’Afrique qu’elles évoquent. Et puis l’arrivée dans le camp de réfugiés, immense. Sa population, urbaine, sapée, étrangère au lieu elle aussi. À 10 000 kilomètres d’Uni Mail, Djemila Carron, post-doctorante à la Faculté de droit, est venue au Kenya former durant quatre jours une vingtaine d’étudiants d’InZone, le programme d’enseignement supérieur dans des contextes fragiles de l’UNIGE.

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Les réfugiés réunis début mars ont tous suivi le MOOC «Introduction aux droits de l’homme». Djemila Carron vient compléter cet enseignement et leur faire passer un examen de validation. Après avoir formé des interprètes, InZone a en effet étendu son offre, y compris sur la base des MOOCs de l’UNIGE, et représente toujours une opportunité unique de formation supérieure pour les réfugiés.

La réalité du camp

La salle de classe est confortable: des murs en dur, des chaises de couleur, un tableau blanc, un ventilateur. «Les réfugiés étaient principalement Congolais, ils parlaient peu de leurs parcours de vie et leurs questions, leurs difficultés durant le cours, étaient vraiment similaires à celles des étudiants genevois», raconte Djemila Carron. La réalité du camp est pourtant très présente durant ce séjour intensif: «Le jour où la pluie a inondé le camp, des étudiants sont arrivés en retard, trempés jusqu’au torse par la traversée de la rivière en crue, poursuit Djemila Carron. Et les femmes n’étaient que trois, leur sécurité étant difficile à assurer pour venir jusqu’en classe.» Les besoins réels des réfugiés viennent eux aussi bousculer le cadre de la formation académique et soulever la question des outils que leur offrent les droits humains. Pour Djemila Carron, «les étudiants veulent avant tout savoir à quoi ils ont droit».

Une mission indispensable

Pour la coresponsable de la Law Clinic sur les droits des personnes vulnérables de l’UNIGE, ce séjour sur place se révèle une étape indispensable. Malgré une préparation intensive et son expérience du terrain, la confrontation avec la réalité de Kakuma est essentielle. Il faut trouver la posture adéquate entre la transmission d’un savoir académique et les besoins concrets des réfugiés par rapport aux outils juridiques locaux.

Cette difficile équation explique pourquoi Barbara Moser, directrice d’InZone, insiste pour que les formations à distance de type MOOC bénéficient toujours d’un accompagnement présentiel. Les échanges permettent en effet de répondre aux exigences de pragmatisme et d’autonomisation des réfugiés apprenants, qui sont des passeurs de savoirs auprès de la communauté. Djemila Carron, de son côté, pense déjà à l’optimisation de sa prochaine mission.