Journal n°90

La trisomie 21: un chromosome perturbe tout le génome

Une équipe genevoise a démontré que la présence d’un seul chromosome surnuméraire dans les cellules perturbe le fonctionnement du génome entier, provoquant l’apparition du syndrome de Down

La présence d’un chromosome 21 surnuméraire entraîne, dans les cellules trisomiques, des modifications du positionnement de l’ADN dans le noyau et des interactions entre celui-ci et les protéines. Un bouleversement qui perturbe l’équilibre du génome en entier. En d’autres termes, l’ajout accidentel de cette petite portion d’ADN, qui ne compte que 1% du matériel génétique total de l’être humain, suffit à déranger l’expression de tous les autres gènes et à causer une grande variété de maladies associées au syndrome de Down, dont les cardiopathies congénitales et la leucémie myéloïde chronique. C’est ce qui ressort d’une étude publiée par l’équipe du professeur Stylianos Antonarakis, (Département de médecine génétique et développement, Faculté de médecine) dans la revue Nature du 17 avril.

Petits effets, grandes causes

«C’est un peu comme ce qui se passe avec le climat, commente Stylianos Antonarakis. Si la température globale augmente ne serait-ce que de 1 ou 2 degrés, il pleuvra beaucoup moins sous les Tropiques et beaucoup plus dans les zones tempérées. Ce petit élément suffit à perturber l’équilibre climatique de la planète entière.»

Cette hypothèse, connue sous le nom de «déséquilibre du dosage génique», n’est pas nouvelle. Seulement, aucune équipe n’est parvenue jusqu’à présent à identifier les modifications de l’expression des gènes au sein des cellules trisomiques et à les associer aux symptômes observés chez les patients. Et pour cause: le niveau d’expression de la plupart des gènes varie naturellement d’une personne à l’autre. Il est donc extrêmement difficile d’identifier les altérations liées exclusivement à la trisomie 21 et celles dues à la variation naturelle entre les individus.

Or, à l’UNIGE, l’équipe de Stylianos Antonarakis a la chance très rare de disposer du génome de jumeaux monozygotes qui possèdent exactement le même patrimoine génétique, à l’exception d’un troisième chromosome 21 présent chez l’un mais pas chez l’autre. Utilisant les technologies récentes de séquençage à haut débit ainsi que d’autres outils bio-informatiques développés au sein du Département de médecine génétique et développement, les chercheurs ont pu identifier, pour la première fois, les modifications de l’expression génique attribuées exclusivement à la trisomie 21.

Corriger les anomalies

L’étape suivante consiste à élucider les mécanismes moléculaires qui sont à l’origine de ce dérèglement général de l’expression génique et à faire le lien avec les pathologies liées au syndrome de Down. In fine, les chercheurs espèrent trouver comment ramener à la normale l’expression des gènes, afin de corriger les anomalies cellulaires de la maladie. Des avancées dans ce domaine pourraient être applicables à d’autres pathologies causées par un déséquilibre du génome.