Journal n°144

Miroir, dis-moi si c’est bien moi

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MÉLODIE DEROME

Doctorante en psychologie

 Sujet de thèse: "Anomalies de l'expérience de soi: investigation de leurs liens avec la schizotypie et leurs corrélats neuronaux dans une population au développement typique"

 

 

 

 

 6h30, réveillée en retard, je me précipite dans la salle de bains, allume la lumière et passe furtivement devant mon miroir. Ahhh! Mon reflet, le temps d’une petite seconde, est complètement déformé. Je cligne des yeux, je me reconnais. Nous faisons tous l’expérience de brèves illusions perceptives dans notre vie quotidienne.

Notre cerveau, constitué de milliards de neurones, s’active comme une machinerie biologique pour interpréter ce que nous percevons. Cependant, dans certaines situations, comme dans un contexte de sous-stimulation sensorielle, le cerveau peut nous jouer des tours. En essayant d’interpréter ce qu’il «ressent», il crée alors des illusions perceptives.

Ma thèse vise à étudier les illusions de la perception du soi. Je cherche plus particulièrement à déterminer comment les différences interindividuelles au niveau cérébral, cognitif et comportemental influencent ces illusions. De plus, j’analyse le développement de ces modifications subtiles de la perception, de l’enfance à l’âge adulte, en passant par la période charnière de l’adolescence pendant laquelle le soi et l’identité se consolident.

Pour cela, j’adapte une expérience créée par Giovani B. Caputo, professeur de l’Université d’Urbino, qui consiste à demander aux participants de s’observer dans un miroir pendant 10 minutes, dans la pénombre. J’utilise également une batterie de questionnaires auto-rapportés, me donnant des informations sur les fonctions cognitives et la personnalité de chacun. Je me sers par ailleurs de l’imagerie cérébrale (IRM) pour étudier les différences au niveau du cerveau, du point de vue structurel mais aussi au niveau de la connectivité entre les différentes régions cérébrales.

Mes premiers résultats mettent en évidence que chez les adolescents, des différences interindividuelles existent au niveau cérébral. Ces divergences sont identifiées dans deux ensembles de neurones importants : le réseau visuel et le «réseau du mode par défaut», qui désigne, en neurosciences, un réseau de régions cérébrales responsable de l’introspection. De plus, ces subtiles différences cérébrales sont fortement associées avec des traits de personnalité schizotypiques, lesquels représentent des prédispositions potentielles à la schizophrénie.

A terme, comprendre les mécanismes qui gouvernent les illusions de l’expérience du soi en situation non clinique permettra de mieux connaître l’évolution des troubles de la perception en cas d’hallucinations et d’améliorer le diagnostic précoce.

Concours
Ma thèse en 180 secondes
Finale UNIGE le 12 avril 2018