Journal n°148

Une carte identifie les populations les plus vulnérables aux morsures de serpent

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Plus de 5 millions d’individus dans le monde sont mordus chaque année par des serpents venimeux et quelque 125 000 en meurent. La cause de cette hécatombe n’est pas tant l’absence de traitement anti-venin mais plutôt l’accès aux soins, leur qualité et leur coût. En combinant ces paramètres de santé publique avec ceux concernant l’abondance des espèces herpétologiques dangereuses, une équipe de chercheurs internationale a développé une cartographie précise permettant d’identifier les populations les plus vulnérables et pour lesquelles il convient d’agir en priorité. Situées en Afrique centrale et en Asie, notamment dans les zones rurales et en savane, les régions les plus à risque sont éloignées des centres hospitaliers, tout en étant proches des territoires des serpents. Cette étude, à laquelle ont participé des médecins genevois dont François Chappuis, professeur au Département de santé et médecine communautaire (Faculté de médecine), a été publiée le 12 juillet dans la revue The Lancet. Elle s’inscrit dans la nouvelle politique de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) qui a reconnu les envenimations par morsures de serpent comme maladies tropicales négligées en juin 2017.

Action rapide
Les morsures de serpent sont douloureuses et peuvent entraîner des complications parfois mortelles et des séquelles tant physiques que psychiques. Il existe trois mécanismes d’envenimation. Le premier, cytotoxique, est une destruction des tissus (ampoules, œdème, nécrose) qui peut conduire à l’amputation. Le deuxième, hématotoxique, est un blocage du système de coagulation entraînant de multiples hémorragies internes. Le troisième, neurotoxique, est une paralysie nerveuse qui commence par les paupières et finit par atteindre le diaphragme, empêchant la respiration. Le venin agit rapidement, laissant de 1 à 48 heures à la victime pour prendre un traitement.

Série de cartes
Les auteurs de la présente étude ont d’abord modélisé la distribution géographique des 278 espèces de serpents dangereuses recensées par l’OMS dans le monde. Ils ont ensuite fait de même avec l’accès aux soins en termes de temps de transport, puis avec la qualité des soins au niveau national et enfin avec la disponibilité de soins spécialisés (anti-venins, etc.).

Il en résulte une série de cartes permettant d’identifier des points chauds, soit les zones où les individus sont les plus vulnérables: celles qui cumulent les handicaps de vivre près des serpents mais loin des hôpitaux et dans des régions offrant des soins de faible qualité.
Les auteurs précisent que cette vulnérabilité ainsi que la probabilité de morsure sont intimement liées aux modes de vie de la population, aux comportements des hommes et des serpents, à leur proximité et aux facteurs socio-écologiques. Les serpents les plus dangereux au monde vivent en Australie mais étant éloignés des espaces occupés par l’homme, les cas de morsures sont rares et la moyenne de décès se situe à une victime par an.

Les régions identifiées sont celles où doivent être acheminés en priorité des traitements et des moyens de raccourcir les temps de trajets jusque vers l’hôpital le plus proche. Cela dit, les 5 millions de morsures de serpent, les 125 000 décès ainsi que les 400 000 survivants souffrant d’importantes séquelles chaque année pourraient bien ne représenter que la pointe de l’iceberg. Ces chiffres proviennent en effet des registres transmis par les hôpitaux alors qu’un nombre inconnu de victimes n’atteignent jamais un centre de soins et n’y figurent pas. Pour remédier à cette lacune, les chercheurs de l’UNIGE et des Hôpitaux universitaires de Genève ont récemment obtenu un financement du Fonds national de la recherche scientifique afin de développer une étude épidémiologique, nommée Snake-Byte. Elle a pour objectif de prédire et de réduire l’impact des morsures de serpent sur l’humain et l’animal, en commençant par recenser toutes les données communautaires du Népal et du Cameroun.

Volontaires à moto
La problématique des morsures de serpent est devenue une spécialité de la Faculté de médecine. C’est en effet déjà l’équipe de François Chappuis, également membre du projet Snake-Byte, qui a mis en place ces dernières années au Népal un système de volontaires à moto permettant d’acheminer les blessés le plus rapidement possible vers l’hôpital le plus proche. Cette organisation a fait chuter de 90% la mortalité liée aux morsures de serpent dans la plaine du Teraï, au sud-est du pays.  —