Journal n°148

«La Suisse a besoin de l’Europe et l’Europe a besoin de la Suisse»

Le congrès de l’Association européenne pour l’éducation internationale (EAIE), qui se déroule à Genève du 11 au 14 septembre, intervient dans un contexte particulier. Après deux décennies (1990-2010) marquées par une nette augmentation de la mobilité des étudiants à l’échelle européenne dans la foulée du lancement du programme Erasmus en 1987, plusieurs pays ont mis en place des mesures visant à freiner la libre circulation des personnes. Cela a été le cas en Suisse le 9 février 2014, avec le vote «contre l’immigration de masse». Cette tendance au repli a eu un impact négatif sur les hautes écoles, habituées dès leur création au Moyen Âge à fonctionner en réseau et à accueillir de nombreux étudiants et enseignants étrangers. En Suisse, elle a eu pour conséquence de limiter l’accès des chercheurs nationaux aux programmes européens.

Dès avril 2015, alors qu’elle était en concurrence avec les villes de Paris et de Copenhague, l’Université de Genève, et avec elle l’ensemble des hautes écoles suisses, a mis tout en œuvre, avec le soutien de la Fondation Genève tourisme & Congrès, pour accueillir l’EAIE. Par ce biais, elle a souhaité envoyer un message fort: la Suisse est toujours intégrée au réseau mondial des universités et elle souhaite le rester  – ses hautes écoles figurent d’ailleurs parmi les plus internationales au monde si l’on considère leurs effectifs d’étudiants et de collaborateurs. En d’autres termes, la Suisse a besoin de l’Europe et l’Europe a besoin de la Suisse. Un message adressé aussi bien à ses partenaires internationaux qu’aux responsables politiques suisses.

Programmes de substitution

«Afin de remonter la pente après le choc du 9 février 2014, nous avons effectué un important travail auprès de nos autorités politiques pour leur faire comprendre à quel point les relations avec l’Europe étaient cruciales pour les universités», explique le recteur Yves Flückiger. Après le vote de février 2014, la Confédération a certes mis en place des programmes de substitution en remplaçant, par exemple, les ERC Grants – les fonds de financement européens les plus prestigieux, par le même modèle mais limité à l’échelle du pays. «Cela n’a pas produit le même effet que lorsque nos chercheurs sont en concurrence avec des scientifiques de tout le continent, analyse le recteur. Nous avons aussi pu mesurer à quel point nous avons perdu du terrain au niveau du programme FP8 en étant exclus de la possibilité de coordonner les projets. À l’instar du Flagship sur la physique quantique qui va démarrer incessamment, ces programmes nous projettent dans le monde de demain. La Suisse subirait un tort énorme si elle demeurait en retrait de ces ambitions.»

Cohérence du modèle suisse

La situation s’est quelque peu améliorée depuis 2017, où notre pays a regagné, au niveau de la recherche, le statut qui était le sien avant 2014. Mais les discussions actuelles sur l’accord-cadre avec l’Union européenne, si elles n’aboutissent pas, pourraient créer une nouvelle période d’incertitude.

Quant à la participation future de la Suisse au programme Erasmus+ dont elle est exclue actuellement,  elle est loin d’être garantie. «Les programmes d’échanges entre étudiants sont pourtant une composante importante de leur formation en termes de compétences académiques et linguistiques», souligne Yves Flückiger. À travers la Maison des langues, l’Université encourage d’ailleurs le bilinguisme auprès des étudiants de l’UNIGE (lire ci-contre), y compris les étudiants étrangers, en leur proposant toute une série de cours de langues.

Le congrès de l’EAIE sera aussi l’occasion de mettre en avant, auprès des représentants  universitaires, le modèle suisse de l’éducation supérieure. «Nous pourrons montrer la cohérence de l’ensemble de notre système éducatif, relève le recteur. Des universités de très haut niveau et une grande fluidité des parcours de formation, avec les HES notamment, qui interviennent entre les filières de l’apprentissage et la formation universitaire. C’est un système qui a l’énorme avantage de permettre à chacun de trouver la voie qui lui convient le mieux sans être enfermé dans une impasse grâce à la mobilité qui existe entre les différentes composantes du système éducatif.»

Enfin, ce rendez-vous devrait permettre d’insister sur l’importance du lien entre les universités et la société. «Dans un contexte où la notion de vérité est mise à mal, les universités ont un rôle fondamental à jouer pour garantir la crédibilité de la démarche scientifique et cela passe par un renforcement des liens avec la société, estime Yves Flückiger.»

Pour Genève, le lien entre recherche et société passe notamment par ses partenariats avec les organisations internationales. Afin de souligner la vivacité de ces liens, l’UNIGE a d’ailleurs invité, dans le cadre du congrès, ses partenaires universitaires à l’ONU, à l’occasion d’une réception qui donnera lieu à des échanges informels entre représentants des organisations internationales et des universités. —
www.eaie.org/

Quarante-cinq pays représentés à palexpo

logo-eaie.jpgQuelque 6000 participants sont attendus à Palexpo Genève, du 11 au 14 septembre, pour le congrès de l’Association européenne pour l’éducation internationale (EAIE), dont l’UNIGE est hôte. Une aubaine pour la Genève touristique qui en attend d’importantes retombées économiques. Dirigeants de hautes écoles, responsables administratifs et de politique universitaire, représentants de programmes de mobilité et d’affaires internationales, le profil des invités est très diversifié. Plus de 45 pays tiendront un stand dans la halle principale de Palexpo, afin de présenter leur politique en matière de mobilité et d’internationalisation. Le cœur du programme consistera en une série d’ateliers et de visites de sites. Les thématiques abordées iront du management de formation communes entre universités à la promotion du leadership féminin dans les hautes écoles, en passant par le développement du bilinguisme ou l’accueil d’étudiants réfugiés. Fondée en 1989, l’EAIE est une association à but non lucratif qui a pour mission de servir de plateforme d’expertise et de partage d’expérience pour répondre aux défis de l’internationalisation des hautes écoles.