Journal n°150

Une Réforme à plusieurs vitesses

image-2.jpgL’adhésion de Genève à la Réforme a donné lieu à des transformations religieuses et institutionnelles qui ont façonné l’identité de la ville. Elle a également eu un impact profond et durable sur le quotidien de la population et l’organisation sociale, à une époque encore fortement structurée par la religion.

Les idées réformées se répandent rapidement en Suisse, en grande partie dans le sillage du théologien zurichois Ulrich Zwingli. À peine une quinzaine d’années séparent la publication des thèses de Luther à Wittenberg en 1517 des premiers prêches du réformateur Guillaume Farel à Genève. Trois ans plus tard, la Ville supprime la messe, puis adopte définitivement la Réforme.

Les garçons reçoivent un enseignement religieux réformé et leurs parents, éduqués dans la tradition catholique, sont invités à s’éclairer auprès d’eux.

Dans cette première phase de diffusion rapide, les enfants ont joué un rôle important. C’est à eux que les réformateurs confient parfois la tâche de distiller les nouvelles idées au sein des foyers. Pour cela, des moyens importants sont investis, principalement dans l’instruction. Les garçons reçoivent un enseignement religieux réformé et leurs parents, éduqués dans la tradition catholique, sont invités à s’éclairer auprès d’eux.

Déjà avant l’adoption de la Réforme, il arrive que les enfants se retrouvent au front, comme lors de la prise de la cathédrale Saint-Pierre le 8 août 1535. Ils interrompent la messe et singent la gestuelle des prêtres. Ils sont également les premiers à se livrer à l’iconoclasme. Et les réformateurs de renchérir, en interprétant cet activisme comme le signe d’une approbation divine.

Le Consistoire, le tribunal qui applique la discipline ecclésiastique dans la Genève réformée, essaie d’interdire la fréquentation des tavernes

Si les idées protestantes se diffusent rapidement, leur réalisation dans le quotidien des Genevoises et des Genevois est plus lente à se matérialiser. Dans cette seconde phase de consolidation de la Réforme, les pasteurs déploient toute une gamme de moyens, de la coercition à la suggestion, pour tenter une réforme des pratiques religieuses et des mœurs. Les paroissiens sont ainsi encouragés à participer aux chants sacrés, jusqu’ici réservés aux prêtres. Mais les Genevois se montrent plutôt timides. La danse est bannie. Le Consistoire, le tribunal qui applique la discipline ecclésiastique dans la Genève réformée, essaie même d’interdire la fréquentation des tavernes. Puis fait marche arrière devant les protestations des taverniers, qui se voient cependant obligés d’acquérir une Bible dans chaque établissement afin que la clientèle puisse allier plaisirs modérés et lecture des Évangiles.

Quant au théâtre, Calvin n’y était pas opposé. Il considère même d’un bon œil l’usage pédagogique qui peut en être fait. Des pièces ont ainsi continué à être montées au XVIe siècle à Genève pour l’instruction des collégiens ou pour nourrir la polémique anticatholique. Ce n’est qu’au cours du XVIIe  siècle que le théâtre disparaît effectivement de Genève et que les comédiens commencent à s’installer non loin de là, à Carouge.

Faisant suite à une exposition organisée par les Archives d’État, un groupe d’historiennes et d’historiens a voulu donner un aperçu de ces transformations, à travers un ouvrage qui se veut résolument accessible: un texte qui s’en tient à l’essentiel, organisé en une vingtaine d’entrées thématiques apportant à chaque fois un nouvel éclairage sur les événements qui ont marqué Genève durant cette période de tensions sociales et religieuses. Plus de la moitié du livre est constituée de reproductions d’objets et de documents originaux, qui ont souvent servi de point de départ à cette histoire du quotidien. —

Côté chaire, côté rue. L’impact de la Réforme sur la vie quotidienne à Genève (1517-1617), Christian Grosse, Anouk Dunant Gonzenbach, Nicolas Fornerod, Geneviève Gross, Daniela Solfaroli Camillocci, Sonia Vernhes Rappaz,
la Baconnière éd., 2018