Journal n°150

L’éléphant d’Afrique craque sa peau pour se rafraîchir

image-4.jpgLa peau de l’éléphant d’Afrique est couverte de millions de minuscules crevasses qui contribuent à la régulation de la chaleur corporelle de l’animal. En effet, l’éléphant étant dépourvu de glandes sudoripares, il ne peut pas transpirer. Il doit donc s’asperger régulièrement d’eau et ces crevasses lui permettent d’en absorber beaucoup plus et de la conserver plus longtemps que si sa peau était lisse. En s’évaporant, cette eau permet à l’éléphant de limiter sa température dans son environnement chaud et sec.

L’équipe de Michel Milinkovitch, professeur au Département de génétique et évolution (Faculté des sciences) et à l’Institut suisse de bioinformatique, a découvert que ces crevasses profondes d’un millimètre sont des fractures dans l’épiderme. Dans un article paru le 2 octobre dans la revue Nature Communications, les chercheurs montrent que la couche inférieure de la peau de l’éléphant n’est pas lisse mais irrégulière, composée de bosses et de creux. Ce sont les tensions provoquées par l’épaississement naturel de la peau avec l’âge sur cette topographie vallonnée qui provoquent le craquage de l’épiderme.

C’est en analysant des échantillons de peau et en observant directement des pachydermes dans une réserve d’Afrique du Sud que les chercheurs ont découvert que ces sillons sont de véritables fractures des couches cornées de l’épiderme et qu’ils suivent le dessin formé par les micro-vallées situées en dessous.

Comme les crevasses sont absentes chez le nouveau-né, dont la peau est encore souple, les chercheurs ont pensé qu’elles se formaient à cause de la sécheresse qui finit par faire craquer l’épiderme des éléphants comme la boue séchée.

Cette particularité permet à la peau de l’éléphant d’Afrique de stocker 5 à 10 fois plus d’eau qu’une peau lisse

À l’aide d’un modèle informatique, ils ont créé une simulation de ce cas de figure mais ont remarqué que les crevasses générées de cette manière traversent également des bosses, ce qui n’arrive pas dans la réalité. En revanche, en reproduisant numériquement l’épaississement progressif de la peau, ils ont remarqué l’apparition de tensions entre les bosses. Celles-ci aboutissent à un pliage de l’épiderme qui finit par craquer exclusivement dans les vallées.

Cette particularité permet à la peau de l’éléphant d’Afrique de stocker 5 à 10 fois plus d’eau qu’une peau lisse. Le liquide s’évapore lentement, générant un refroidissement sur une longue période. Ces crevasses permettent également à la boue de rester accrochée à la peau, constituant une couche protectrice contre le soleil et les insectes.

Ces fractures sont absentes chez l’éléphant d’Asie bien que sa peau soit également micro-vallonnée

Curieusement, ces fractures sont absentes chez l’éléphant d’Asie bien que sa peau soit également micro-vallonnée. Cette différence est probablement due au fait que l’espèce asiatique vit dans un climat moins chaud et plus humide où le refroidissement par évaporation est beaucoup moins efficace.

La peau de l’éléphant d’Afrique présente des similitudes avec celle des personnes atteintes d’ichtyose vulgaire, un trouble congénital cutané touchant environ une personne sur 250 et connu pour provoquer un épaississement de la couche cornée de l’épiderme. Si des comparaisons détaillées en biologie moléculaire validaient ces similarités, cela démontrerait que des mutations génétiques similaires, apparues indépendamment chez l’homme et l’éléphant d’Afrique, se seraient révélées défavorables chez l’un et hautement utiles chez l’autre.  —