3 juin 2021 - AC

 

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Le boycott comme arme universelle

 

 

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Jasmine Lorenzini

 

Plus d’un siècle et demi après son apparition, le mot «boycott» fait toujours peur aux entreprises, qui en redoutent les effets économiques et symboliques. Dans son édition du mois de juin, le magazine PME consacre un article à ce mode d’action militant, qui cible tout autant les multinationales que le monde du sport ou celui de la politique.

Pratiqué depuis des siècles sur tous les continents, le boycott est devenu l’un des moyens de pression privilégiés des populations contre des gouvernements ou des entreprises, en réaction à des pratiques qui les heurtent ou pour obtenir un changement de stratégie commerciale ou tarifaire. Collaboratrice scientifique à l’Institut d’études de la citoyenneté (InCite), Jasmine Lorenzini raconte:  «Les gens sont de plus en plus conscients que leur manière de dépenser ou non leur argent a un impact. D’autant que l’effort peut être payant, comme en témoigne la «grève du beurre» de mai 1967. Lorsque le Conseil fédéral a décidé d’augmenter le prix du lait de 3 centimes par litre, la Fédération romande des consommateurs a appelé au boycott et le Conseil fédéral est revenu sur sa décision.»

Certains boycotts relèvent de la pression géopolitique, à l’instar de ce qui s’est passé à l’occasion des Jeux olympiques de 1980 et de 1984. Pour protester contre l’invasion soviétique en Afghanistan, Jimmy Carter refuse la participation des États-Unis aux Jeux de Moscou, suivi par plus de 60 pays du bloc de l’Ouest. Quatre ans plus tard, l’URSS et une quinzaine de pays communistes renoncent à leur tour à participer aux JO de Los Angeles. «Les JO sont moins ciblés depuis les années 2000, mais les grandes compétitions internationales restent des vitrines privilégiées pour des opérations de boycott, le sport cumulant plusieurs atouts, explique Jasmine Lorenzini. Il est en effet visible, médiatisé et hautement symbolique.»

Si les appels au boycott ont généralement peu de conséquences réelles sur l’entreprise ou les institutions visées parce qu’ils ne sont pas suivis assez massivement, ils peuvent en revanche avoir des effets indirects sur des organisations très attentives à leur image de marque. «À la fin des années 1970, un activiste américain a voulu profiter de son offre de customisation pour inscrire le mot "esclavagiste" sur sa paire de Nike, explique Jasmine Lorenzini. Son idée était de dénoncer les dérives de la politique de sous-traitance de l’entreprise et notamment le travail des enfants. L’entreprise a refusé, ce que le jeune s’est empressé de faire savoir.» De quoi sérieusement écorner l’image de Nike, confrontée à un mouvement qui détourne rapidement ses propres slogans, par exemple: «Boycott Nike? Just do it!» Preuve que les entreprises ne proposent pas que des produits mais aussi du sens et des symboles. Sens que chacun et chacune peut s’approprier ou combattre.

 

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