25 avril 2024 - Anton Vos

 

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La genèse du centriole «filmée» depuis l’intérieur de la cellule

Pour la première fois, on peut assister à la reconstitution dynamique de l’assemblage, image par image, d’un organite d’une cellule humaine. En l’occurrence du centriole, une structure essentielle à la division cellulaire.

 

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Reconstitution du processus de croissance d'un centriole vu par microscopie à expansion. La tubuline est visible en magenta et les molécules en forme de «roues de charriot» (cartwheels) en vert. Image: CentrioleLab

Les centrioles s’édifient comme des gratte-ciel, mais à une échelle minuscule. Ces organites, qui jouent un rôle essentiel dans l’organisation du squelette des cellules, ont en effet la forme d’un cylindre de seulement 500 nanomètres de haut. Le fait d’avoir pu reconstituer le film de leur genèse, image par image, est donc une prouesse technique, que l’on doit à Paul Guichard et Virginie Hamel, respectivement professeur associé et chargée de cours ainsi que codirecteur et codirectrice du Centriole Lab au Département de biologie moléculaire et cellulaire (Faculté des sciences). Pour y arriver, et comme le rapporte un article paru le 10 avril dans Cell, les scientifiques ont combiné des techniques de microscopie à très haute résolution et de reconstitution cinématique.

 

Le centriole fait partie des organites des cellules, c’est-à-dire des structures spécialisées parmi lesquelles on compte également le noyau, les mitochondries ou encore les ribosomes. La fonction principale de ces petits cylindres est de produire les cils ou les flagelles qui apparaissent sur la membrane de certaines cellules (celle du spermatozoïde, par exemple) ainsi que le fuseau mitotique qui permet la migration des chromosomes durant la division cellulaire. En cas de dysfonctionnement, cet organite est associé à certains cancers, troubles cérébraux ou maladies rétiniennes.

Une duplication sans accroc du centriole est donc essentielle pour le fonctionnement d’une cellule. Ce processus se déroule selon une séquence précise de recrutement de différentes protéines. En visualiser la genèse en temps réel permettrait d’avoir une meilleure compréhension du rôle de ces protéines dans la structure ou la fonction de l’organite. Le problème, c’est que l’obtention d’une résolution suffisante pour distinguer par microscopie les composants si complexes de l’organite se heurte à des limites techniques.
Mesurant moins de la moitié d’un millième de millimètre, le centriole est en effet composé d’environ 100 protéines différentes organisées en six domaines sous-structuraux. Il y a quelques années encore, il était impossible de visualiser dans le détail la structure de l’organite.

Le laboratoire de Paul Guichard et de Virginie Hamel a changé la donne grâce à son utilisation de la technique de microscopie à expansion. Cette technique de pointe consiste à gonfler progressivement les cellules et leurs composants sans les déformer et à les observer ensuite à l’aide de microscopes conventionnels avec une meilleure résolution.

Les images ainsi obtenues sur des cellules humaines permettent de localiser avec exactitude les différentes protéines à un instant précis, mais pas leur ordre d’apparition. Pour le connaître, Marine Laporte, ancienne maître-assistante au sein du groupe genevois et première auteure de l’étude, a dû analyser par microscopie à expansion la localisation de 24 protéines réparties dans les six domaines dans plus d’un millier d’images de centrioles se trouvant à différents stades de croissance.

reconstitution cinématique

Ce travail très fastidieux a été suivi d’une reconstitution cinématique pseudo-temporelle. Grâce à une analyse informatique mise au point par les scientifiques genevois, les milliers d’images prises de façon aléatoire pendant la biogenèse du centriole ont pu être replacées dans un ordre chronologique afin de reconstituer les différentes étapes de sa formation.

Cette approche combinant la très haute résolution de la microscopie à expansion et la reconstitution cinématique a permis de modéliser le premier assemblage en quatre dimensions du centriole humain. Le film (ci-dessus) montre ainsi que le processus commence par la formation d’une structure en forme de «roue de charrette» (cartwheel en anglais), dépourvue de microtubules. Celle-ci est suivie d’une phase d’éclosion qui progresse avec l’assemblage de microtubules en même temps que l’addition de nouveaux cartwheels. Vient alors la phase d’élongation durant laquelle le squelette de la tubuline croît linéairement, suivie par l’assemblage des protéines de l’échafaudage interne. À la fin s’ajoutent encore des «appendices» situés sur la surface externe du centriole et qui sont essentiels à l’amarrage de l’organite à la membrane et à la production de cils.
Ces travaux vont permettre d’approfondir la compréhension de la formation du centriole, mais aussi des autres organites sur lesquels la même méthode est applicable.

 

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