11 avril 2024 - Anton Vos

 

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Que brille la «gloire» sur la planète où pleut le fer!

Des astronomes ont découvert sur l’exoplanète WASP-76b un phénomène lumineux qu’ils expliquent par l’apparition d’une «gloire», un effet optique similaire à l’arc-en-ciel.

 

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Vue d'artiste de la gloire détectée sur WASP-76b. Image: ESA

 

WASP-76b est une planète fort, fort lointaine où il fait si chaud que le fer s’évapore, se constitue en nuages puis retombe sous forme de pluie – ou de neige – métallique. Mais ce n’est pas tout. Sur cette géante gazeuse très proche de son étoile, une équipe internationale pense maintenant avoir détecté un phénomène optique appelé «gloire», qui désigne un effet de rétrodiffusion de rayons lumineux (similaire à un arc-en-ciel) provoqué par un «brouillard» de gouttelettes d’une composition encore inconnue – bien que le fer soit un candidat possible. C’est ce qui ressort d’une étude parue dans la revue Astronomy & Astrophysics du mois d’avril et à laquelle ont participé des scientifiques du Département d’astronomie (Faculté des sciences).

 

Une gloire vue depuis un avion. Image: DR

Relativement fréquente sur Terre, la gloire se livre à l’œil de l’observateur lorsque le soleil est pile derrière lui et qu’il fixe son regard sur un brouillard formé de gouttelettes d’eau. Autour de sa propre ombre projetée sur cet écran de brume (en général plutôt celle de la montagne sur laquelle il se trouve ou d'un avion puisqu’il faut un point de vue assez perché pour que cela fonctionne) apparaît alors, si les conditions le permettent, un halo de lumière fait de cercles concentriques aux couleurs de l’arc-en-ciel. Le phénomène optique de la gloire est d’ailleurs similaire à celui de l’arc-en-ciel, puisque, dans les deux cas, les innombrables gouttelettes d’eau jouent le jeu d’une multitude de miroirs et de prismes dispersant la lumière. Le premier est cependant très petit et proche de l’axe du regard, tandis que le second est un anneau beaucoup plus grand s’ouvrant sur un angle d’environ 42°.

Un enfer de fer
Située à quelque 640 années-lumière de la Terre, la planète WASP-76b, elle, ne contient pas une seule gouttelette d’eau. Les conditions infernales qui règnent sur cette géante gazeuse ultra-chaude ne le permettent pas. Un des hémisphères de son cœur solide interne est continuellement exposé à son étoile et cette face encaisse un ensoleillement 4000 fois supérieur à ce que la Terre reçoit du Soleil. La température y grimpe au-dessus de 2400 °C, ce qui suffit à vaporiser les métaux, dont le fer.
Comme le rapporte un article de la revue Nature du 11 mars 2020, David Ehrenreich, professeur au Département d’astronomie (Faculté des sciences), et ses collègues ont détecté sur cette exoplanète, pour la première fois, une variation chimique au sein de son atmosphère dense. Grâce au spectrographe Espresso (de fabrication genevoise) installé sur le Very Large Telescope au Chili, ils ont mesuré une concentration de vapeur de fer plus importante sur un côté de la planète que sur l’autre. Plus précisément, la signature du fer est plus marquée pile là où l’atmosphère, sous l’effet d’un vent constant, entre dans le côté perpétuellement sombre de la planète, c’est-à-dire sur la portion de la frontière délimitant le jour et la nuit dite du «soir». Elle est plus faible sur la limite opposée, celle dite du «matin».
La déduction logique de cette observation est que les nuages ferrugineux, en entrant dans le côté obscur de la planète, subissent une chute de température de près de 1000 degrés, ce qui provoque la condensation de la vapeur de fer en gouttelettes ou en flocons qui déferlent alors vers des profondeurs insondables et disparaissent de l’atmosphère.

Du «soir» au «matin»
Il se trouve qu’il existe également une asymétrie lumineuse entre ces deux extrémités de WASP-76b. La frontière du «soir» (aussi appelée «terminateur est») s’avère en effet significativement plus brillante que celle du «matin» («terminateur ouest»), en tout cas à un moment précis de sa course autour de son étoile. Afin d’en savoir plus, les astronomes ont pointé vers la planète le télescope spatial Cheops, dont le centre des opérations scientifiques est basé à l’Université de Genève. Il a fallu pas moins de 23 observations de transits et d’éclipses, réparties sur trois ans, pour récolter assez de données pour espérer résoudre ce nouveau mystère.
Combinant ces nouvelles données avec celles d’autres télescopes (TESS, Hubble et Spitzer), l'équipe de David Ehrenreich et celle de Monika Lendl, professeure assistante au Département d’astronomie, ont été en mesure d’avancer une hypothèse pour expliquer le surplus de flux lumineux du côté est de la planète. Selon les scientifiques, cette lueur inattendue pourrait être causée par une réflexion forte, localisée et anisotrope, c’est-à-dire dépendante de la direction. En d’autres termes, une gloire.
Il se trouve qu’un tel phénomène météorologique a déjà été observé sur une autre planète que la Terre. La sonde européenne Venus Express en a détecté une en 2014 sur notre planète voisine, Vénus, provoquée par la présence supposée de gouttelettes riches en acide sulfurique.
La gloire de WASP-76b, si elle est confirmée, serait néanmoins la première capturée en dehors du système solaire. Les scientifiques ne se prononcent pas sur la composition des éventuelles gouttelettes même si l’hypothèse du fer est la première qui vient à l’esprit.
Quoi qu’il en soit, comme sur Terre, une gloire extraterrestre requiert des conditions précises pour être aperçue. Il faut que les particules atmosphériques soient presque parfaitement sphériques, complètement uniformes et suffisamment stables pour être observées sur une longue période. L’étoile hôte de la planète doit briller directement sur elle, et l’observateur – ici Cheops – doit se trouver dans le bon alignement.
Selon les scientifiques, la détection de phénomènes optiques aussi fins qu’une gloire à une si grande distance ouvre la possibilité d’en identifier d’autres tels que la réflexion de la lumière stellaire sur des lacs et des océans liquides.

 

 

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