6 juillet 2023 - Melina Tiphticoglou

 

Vie de l'UNIGE

Étudiante le jour, parlementaire la nuit

Élue le 2 avril par la population genevoise, Angèle-Marie Habiyakare, 21 ans, est la plus jeune députée du Grand Conseil. Étudiante en deuxième année de physique, elle raconte comment elle concilie ses études avec son engagement politique.

 

 

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Photo: F. Scotti/UNIGE


En cette fin du mois de juin, le bâtiment des sciences grouille encore d’étudiant-es préparant leurs examens. Angèle-Marie Habiyakare, elle, se remet d’un oral passé le matin. Il le faut, puisque, le soir même, cette étudiante en deuxième année de physique siégera en commission du Grand Conseil, avant d’attaquer la préparation de son dernier examen qui se tient deux jours plus tard. «J’ai toujours été très polyvalente, explique-t-elle avec un large sourire. Pour mes études, je fais beaucoup de physique et de maths, mais en dehors, j’ai envie de m’occuper et de parler d’autre chose.»

 

Du haut de ses 21 ans, Angèle-Marie Habiyakare est la benjamine du Parlement genevois. Ce statut lui a valu d’assurer, lors de la prestation de serment du Grand Conseil, le 28 avril dernier, le rôle de secrétaire aux côtés du président, le doyen d’âge Charles Poncet. À cette occasion, elle a également été invitée à prononcer une allocution qu’elle a consacrée à sa vision de l’engagement politique, devant une assemblée de parlementaires pour la plupart plus expérimenté-es qu’elle. Lors de son discours, la jeune élue a également exhorté les élu-es à prendre des engagements concrets face au réchauffement climatique et à la précarité.

De la militance à la politique
Calme et déterminée malgré son jeune âge, elle fait l’effet d’une force tranquille que rien n’arrête. Derrière cette assurance pointe l’héritage parental: un père scientifique – un Doctorat en chimie obtenu à l’Université de Genève – et une mère médiatrice en conflits familiaux. Tous deux sont originaires du Rwanda et ont perdu l’entier de leur famille au cours du génocide contre les Tutsis en 1994. Sept ans plus tard, Angèle-Marie, aînée d’une fratrie de quatre, naît à Genève. Elle y fait toute sa scolarité, rejoint le mouvement scout et s’engage dans diverses associations. Arrivée au collège, elle lance, avec un petit groupe d’élèves, le mouvement Grève pour le climat dans son établissement et y anime des activités. En plein confinement, elle prend part bénévolement aux distributions alimentaires pour les personnes en situation de précarité. De ces activités militantes, un sentiment de révolte naîtra et la poussera à s’engager en politique, au niveau cantonal, pour essayer, selon ses mots, «d’améliorer la vie à Genève». Le choix du parti, Les Vert-e-s, se fera tout naturellement. La suite, elle ne pouvait pas la prévoir: «Quand on a fait plusieurs campagnes politiques, on parvient plus ou moins à se situer, explique la jeune élue. Mais, moi, il y a 5 ans, j’étais mineure, je n’avais même pas le droit de vote. J’ai eu envie d’essayer, mais je ne savais vraiment pas à quoi m’attendre.»

En quatrième position, sur les 15 sièges que remporte son parti, elle passe brillamment la rampe et intègre le Grand Conseil, le 28 avril dernier. Depuis, les plénières et les séances de commissions se succèdent, lui permettant de se familiariser petit à petit avec un environnement de travail soutenu et un cadre protocolaire. «Exposer ses idées, faire face à des désaccords, des oppositions par rapport à ce que l’on présente et prendre un peu sur soi quand un objet n’est pas accepté, c’est un exercice très enrichissant qui nécessite de l’humilité, observe l’élue. Le domaine de la médiation dans lequel exerce ma mère m’a beaucoup appris, notamment l’ouverture aux avis divergents. J’aime écouter des personnes qui n’ont pas du tout la même vision des choses que la mienne.»

Au Grand Conseil, Angèle-Marie Habiyakare est plus spécifiquement active au sein de la commission des travaux, de celle de l’énergie et des Services industriels de Genève, ainsi que de celle de l’environnement et de l’agriculture. «J’ai choisi les commissions dans lesquelles j’avais envie de m’engager, mais aussi en fonction de mes horaires de cours. Au début, je craignais de ne pas pouvoir concilier les deux, car il y a des enseignements que l’on ne peut ni manquer, ni rattraper, mais, au final, tout s’est bien mis en place.»

Passion pour la physique
C’est son enseignant de physique au collège qui lui transmet sa passion pour cette matière. L’aspect interdisciplinaire de la branche et le grand nombre de débouchés potentiels finissent de motiver la collégienne à poursuivre cette voie à l’université. La discipline est connue pour être à majorité masculine, mais cela ne lui pose pas de problème. «En réalité, on oublie le genre, on est toutes et tous étudiants et étudiantes de la même façon», témoigne-t-elle. Par la suite, elle s’imaginerait bien se spécialiser en physique médicale afin d’exercer un métier au service de l’intérêt public.

En attendant, elle termine sa deuxième année de bachelor et entrevoit le profit qu’elle peut tirer de son savoir académique pour enrichir sa pratique politique. «Je suis dans un domaine très axé sur la recherche, explique-t-elle. Les expériences menées au sein de l’université, par exemple dans le domaine de l’énergie ou de la biologie, pourraient être applicables au niveau cantonal.» À l’inverse, l’exercice politique nécessite d’apprendre à s’exprimer en public, ce qui devrait lui permettre de se présenter plus sereinement aux prochains examens oraux. «Même si je suis beaucoup plus stressée devant deux juré-es qu’en plénière devant 100 député-es», confie-t-elle.

Avec un Grand Conseil composé d’un tiers de femmes et de seulement neuf député-es de 30 ans ou moins, Angèle-Marie Habiyakare est fière de représenter la diversité au sein du Parlement genevois. Malgré son manque d’expérience, elle se sent «tout aussi légitime à siéger, du moment qu’elle a été élue comme les autres député-es». À la jeunesse qu’elle représente, elle espère prouver que celle-ci a voix au chapitre. Elle compte également sur les autres partis pour qu'à l'avenir cette frange de la population se retrouve davantage sur leurs listes électorales.

Il et elles concilient études et engagement politique
Le Grand Conseil genevois compte trois étudiant-es de l’UNIGE, les trois sur les bancs du même parti, Les Vert-e-s. Angèle-Marie Habiyakare (21 ans), étudiante à la Faculté des sciences, est la benjamine du Parlement (voir ci-dessus). Lara Atassi (25 ans), étudiante à la Faculté de médecine, est aussi membre du Parlement des jeunes genevois depuis quatre ans. Enfin, Léo Peterschmitt (26 ans), étudiant à la Faculté de médecine, est également très actif au sein de sa Faculté, notamment pour la mise sur pied, avec la professeure Johanna Sommer, d’un cursus en santé planétaire.

 

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