1er juin 2023 - Rachel Richterich

 

Vie de l'UNIGE

Les vingt ans d'une certification qui minimise les risques dans les établissements bancaires

Le Centre de droit bancaire et financier célèbre ce 1er juin les 20 ans de son CAS Compliance. Destinée aux acteurs/trices de la finance, cette formation, qui certifie leurs capacités à se mettre en conformité avec les réglementations, s’est imposée comme une référence dans le milieu.

 

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À la suite de la crise financière de 2008, l’Europe et les États-Unis ont multiplié les réformes du système bancaire. La Suisse a dû également adapter sa législation. Le CAS Compliance permet de comprendre comment ces règles s’appliquent dans la pratique. Image: Traders brésiliens à la bourse de Sao Paulo, le 16 septembre 2008, en pleine crise financière / A.Penner/Keystone

 

Dans le jargon financier, la compliance, c’est la mise en conformité des activités de la banque avec les réglementations et les normes internationales en vigueur. Au fil des scandales et des crises qu’a connus le secteur et des tours de vis réglementaires qui s’ensuivirent, cette tâche s’est imposée et généralisée à l’ensemble des acteurs/trices du secteur financier: banques, maisons de titres, gestionnaires de fortune indépendant-es, cabinets d’audit ou encore investisseurs institutionnels, tels que les caisses de pension.

Depuis vingt ans maintenant, la compliance fait l’objet d’une formation continue de haut niveau, reconnue et réputée, qui est née au Centre de droit bancaire et financier (CDBF) de la Faculté de droit dans le sillage de l’entrée en vigueur de la loi fédérale de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme (LBA). Devenue un standard suisse, cette formation est aujourd’hui dispensée à Genève, mais aussi à Zurich par l’Université de Saint-Gall et à la Villa Negroni à Lugano. Retour sur la genèse de ce CAS Compliance in Financial Services (Certificate of Advanced Studies) et de son évolution avec l’un de ses artisans, Christian Bovet, professeur à la Faculté de droit.

Le Journal: Dans quel contexte s’inscrit la création de cette formation axée sur la réglementation?
Christian Bovet:
L’événement déclencheur a été la promulgation en 1997 et l’entrée en vigueur l’année suivante de la loi fédérale contre le blanchiment d’argent (LBA). Celle-ci impose en particulier pour toute ouverture de compte ou mandat de gestion de connaître à la fois le/la client-e et l’ayant droit économique, avec l’obligation d’annonce aux autorités lorsqu’il y a un soupçon fondé. La Fondation Genève Place Financière, représentant les intérêts du secteur à Genève, nous a ainsi approchés, le professeur Luc Thévenoz, directeur du CDBF, et moi. Il s’agissait de mettre sur pied une formation très pratique sur cette nouvelle législation. La Haute École de gestion (HEG) a aussi participé à la création de cette formation à ses débuts, avant d’en sortir assez rapidement.

 

À une époque où régnait encore le secret bancaire, quel besoin est venue combler cette formation?
Avec l’obligation pour l’intermédiaire financier/ère d’annoncer tout cas suspect aux autorités, la LBA a jeté les bases d’un nouveau mode de fonctionnement dans le secteur bancaire, assujetti aujourd’hui, par exemple, à l’échange automatique d’informations – impensable à l’époque. Cette loi prévoit en outre des sanctions pénales à l’encontre de celui ou celle qui l’enfreindrait ou ne se conformerait que tardivement à son obligation de communiquer. Son entrée en vigueur a constitué une étape majeure. Il n’était plus possible de faire du «bricolage» en interne. La matière juridique exige en effet d’être précis-e et irréprochable. Pour la branche, il y avait un réel besoin de comprendre comment ces règles s’appliquent dans la pratique. Le CAS est venu combler ce vide. Preuve en est, dès son ouverture en 2003, nous avons reçu plus d’une centaine de candidatures pour une trentaine de places.

 

Pourtant, ni la législation, ni cette formation n’ont permis d’éviter des dysfonctionnements et des scandales, comme ceux qui ont précipité la chute de Credit Suisse, par exemple. N’est-ce pourtant pas la vocation du CAS?
Notre objectif est d’améliorer la formation et de répondre à ce véritable besoin. Il s’agit aussi de faire entrer et croître une véritable culture de la compliance au sein des établissements. On voit toutefois que les avis de ces services spécialisés ne sont pas toujours suivis par les organes dirigeants. Certaines procédures s’effectuent par le biais d’alertes à examiner rapidement, par des sondages ou selon des cycles réguliers définis notamment par la réglementation. On ne peut donc jamais exclure que des événements négatifs ne soient pas repérés ou soient insuffisamment pris en compte.

 

À quel point les débâcles bancaires telles que celles vécues lors de la crise financière de 2008 ont-elles influencé le contenu de la formation?
La crise financière de 2008 a révélé de profonds dysfonctionnements et entraîné un tsunami réglementaire pour le secteur financier. À la suite de cela, l’Europe et les États-Unis ont multiplié les réformes. Réformes auxquelles la Suisse a dû également se conformer en adaptant sa législation. Que ce soit en matière de transparence, avec, entre autres, l’introduction de l’échange automatique de renseignements afin de lutter contre l’évasion fiscale ou en termes de gestion des risques, avec toute une série de normes encadrant les activités de crédit, de titrisation, etc.

 

Qu’est-ce qui a changé depuis la création de cette formation postgrade?
Le noyau sur lequel se fonde la compliance demeure identique: il s’agit de connaître son/sa client-e et l’ayant droit économique des fonds sous gestion. Mais la formation s’est élargie et le contenu proposé en 2003 ne ressemble en rien à celui que couvre actuellement le CAS. Au départ, il se centrait sur le blanchiment d’argent. Aujourd’hui, la formation inclut l’entraide fiscale et consacre une large part également à la lutte contre le financement du terrorisme, aux sanctions internationales, ou encore aux embargos. Elle traite également de la question des actifs numériques ou encore des cryptomonnaies. Si tous les modules intègrent de nombreux cas pratiques, le dernier module se conclut par un exercice transversal destiné à inscrire les connaissances acquises dans un cadre concret, avec un jeu de rôles.

 

Comment le CAS est-il appelé à évoluer?
Il va sans doute continuer à s’adapter aux évolutions traversées par la branche. Une nouvelle génération prend progressivement le relais et donne un souffle supplémentaire et différent à cette formation. Les deux directrices actuelles ont en outre des profils très complémentaires. Claude Bretton-Chevallier vient du milieu académique et est avocate, tandis que Natacha Polli, par son expérience professionnelle, est très ancrée dans la pratique de la conformité. Du point de vue pédagogique, les étudiant-es sont davantage encouragé-es à travailler en groupes et à empoigner des thématiques avec lesquelles ils/elles ne sont pas familiers/ères. Il est intéressant par exemple de former un binôme entre un Compliance Officer venant d’une banque privée avec un-e spécialiste du crédit hypothécaire d’un établissement régional.

 

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