Le Journal: On imagine les thésard-es plus habitué-es aux salles de lecture feutrées des bibliothèques qu’aux scènes de théâtre. Comment les amenez-vous sur ce terrain-là?
Samuel Lagier: La première étape, c’est de travailler le texte. Je m’assure que le contenu est accessible, vulgarisé et que le/la chercheur/euse parle un peu de sa méthodologie – je trouve toujours intéressant de découvrir comment travaille un-e archéologue ou un-e mathématicien-ne, par exemple. À partir de là, nous construisons une mise en scène avec le/la candidat-e. Certaines prestations sont très théâtrales, d’autres moins, ce sont elles/eux qui choisissent. Mon rôle est de les pousser au bout de leurs idées, mais aussi de freiner leurs ardeurs si je vois qu’ils/elles se mettent en difficulté.
Quelles sont ces difficultés, justement?
Le défi majeur est de rendre la prestation vivante, tout en conservant le plus de naturel possible. L’objectif, c’est de passer d’une simple récitation de texte à un discours qui puisse susciter un réel enthousiasme. Pour l’occasion, les candidat-es sont à la fois auteurs/trices, metteurs/euses en scène et acteurs/trices!
Les candidat-es ont des profils très variés, issus des Facultés des sciences, des lettres, de médecine, de droit, mais aussi de traduction et d’interprétation ou encore de psychologie et sciences de l’éducation. L’approche est-elle la même avec chacun-e d’entre eux/elles?
Oui. La discipline d’origine importe peu, en fait. Tous et toutes les candidat-es sont des expert-es qui utilisent des codes et un vocabulaire propres. Dans tous les cas, il s’agit de sortir des détails, de la technique, de «dé-zoomer» pour rendre leur recherche accessible. La diversité des disciplines et des personnalités fait toute la richesse du concours. À titre personnel, je trouve passionnant de découvrir ces univers et de discuter avec des personnalités brillantes.
Combien de sessions de coaching suivent-ils/elles?
La CUSO (organisatrice du concours national) propose des ateliers sur le texte, l’image, la voix, la mise en scène… À l’Université de Genève, on peut également participer à des ateliers de théâtre spécifiques pour préparer ce concours. Avec mon collègue Damien Gauthier, nous mettons en place deux séances de trente minutes par candidat-e en toute fin de parcours. Ces séances nous permettent d’ajuster les finitions des présentations.
Au-delà du concours, quel est l’intérêt de cet exercice pour les doctorant-es?
Il est absolument vital pour un-e chercheur/euse de pouvoir parler de ses travaux devant un public. Que ce soit pour obtenir un poste ou pour recevoir du financement, il y a presque toujours une phase de sélection orale. J’ai moi-même été chercheur en neurosciences pendant plus de dix ans. Ce concours les prépare avec des outils concrets à cette réalité-là, qui fait partie intégrante d’une carrière académique. Par ailleurs, dans le cadre de «Ma thèse en 180 secondes», l’exercice de vulgarisation permet aux doctorant-es de lever la tête du guidon, de prendre un temps de recul, de se questionner sur les raisons et le sens qu’elles/ils donnent à leur thèse, ce qui les aide souvent dans leur manière d’appréhender leur recherche et les prépare à la future soutenance. Enfin, ce concours est aussi l’occasion de réunir les chercheurs/euses et la société, de maintenir le lien entre deux mondes qui cohabitent mais peinent parfois à se rencontrer et à se comprendre.