Appel à contribution colloque Entre communication et participation: usages du transmedia storytelling en aménagement et urbanisme

Dans le prolongement des travaux pionniers de Mandelbaum (1991), Healey (1992), Throgmorton (1992, 1993, 1996, 2003) et Sandercock (2003), la recherche en études urbaines s’est largement intéressée à la manière dont l’exercice de l’urbanisme, tant du point de vue de la planification que du projet, s’apparentait aux pratiques narratives, que l’on s’attache à identifier la manière dont le récit permet de « générer une approche plus capacitive de la planification » (Throgmorton, 2007), permettant « d’équilibrer des revendications concurrentes » (Eckstein et Throgmorton, 2003 ; Bulkens et al., 2015) ou de générer des approches plus inclusives (Mandelbaum, 1991 ; Forrester, 1999 ; Bloomfeld, 2006). D’autres chercheur-e-s ont exploré la structure des intrigues (Walter, 2013 ; Keunen et Verraest, 2012) que développent les récits en urbanisme, proches en cela des pratiques littéraires (Keunen et Verraest, 2012 ; Uyttenhove et al., 2021). Parallèlement, l’usage du récit pour communiquer le projet, en assurer une pédagogie (Vitalis et Guéna, 2017), rendre désirables des territoires (Redondo, 2015) ou bien encore construire la réception de documents d’urbanisme auprès d’un public élargi (Matthey, 2014) a donné lieu à des monographies nombreuses. 

Si le récit est désormais partout en urbanisme, conduisant à un véritable « tournant narratif » (Ameel, 2016, 2021), on s’est relativement peu intéressé à sa dimension transmédiale. Des travaux ont certes déjà approché la multiplicité des supports du récit en urbanisme (texte, image, son, etc.) ou la diversité de ses médias (livre, film, internet, etc.). La manière dont ces supports et médias participent d’un univers narratif spécifique, producteur de mondes plus ou moins fictionnels, reste toutefois à explorer. 

De plus en plus régulièrement, la planification et le projet urbain recourent au récit pour communiquer leurs intentions. Or le récit ne mobilise pas qu’un seul support. Il est traduit en différents médias. Notre hypothèse est que cette traduction dépasse la seule adaptation. Elle vise l’implication du public dans l’élaboration de récits parallèles, sa participation à la production de ce qu’il est de coutume d’appeler des « extensions narratives ». L’adaptation raconte la même histoire dans des mondes différents ou au moyen de médiums différents ; le transmedia storytelling aspire à faire émerger « différentes histoires à propos d’un monde donné » (Ryan, 2015, p. 2). Il renouvelle, de ce point de vue, la compréhension de la production des œuvres. Ce sont les interactions entre un « système médiatique », une diversité de « plateformes », une hétérogénéité des « publics » et une multiplicité des « modes d’engagement » (Jenkins, 2013, § 3 pour la traduction) qui doivent être analysées ; la manière également dont des récits satellites se déploient autour d’un vaisseau-mère qui les coordonne sans être nécessairement affecté par ces productions périphériques. Ce colloque conclusif du projet FNS-COST La fabrique narrative de la ville souhaite participer à cette exploration au moyen de trois focales.

La première s’attachera à une analyse des univers narratifs (storyworlds) produits par la narration des plans ou projets urbains. Les propositions s’inscrivant dans cet axe chercheront à montrer comment un plan ou un projet émule un univers appelé à se substituer à l’expérience réelle des lieux. Elles travailleront à montrer comment différents médias et/ou supports dialoguent pour véhiculer des fragments de cet univers, renforçant le récit principal (le vaisseau-mère) ou l’atténuant en produisant des fictions divergentes.

La deuxième focale documentera les différentes traductions opérées d’un support à l’autre, d’un média à l’autre, lors de l’élaboration d’un récit transmédiatique. On cherchera par exemple à répondre à la question de savoir comment un média et/ou un support donné pallie les limites d’un autre. On réfléchira à la question de savoir comment celui-ci mobilise des régimes perceptifs spécifiques, propres à renforcer l’expérience immersive du récit. On tentera de rendre compte des régimes d’immersion produits par la multiplication des supports médiatiques dans le champ de la communication urbaine.

La troisième focale, enfin, ciblera plus spécifiquement la réception des univers narratifs produits par les dispositifs transmédiatiques de communication urbaine. Les propositions soumises ici s’intéresseront au public de ces dispositifs. On cherchera à comprendre comment ils y participent, c’est-à-dire comment ils s’engagent dans la communication des plans ou des projets urbains, que ce soit en collaborant à leur élaboration ou en travaillant à leur extension.

Ces trois axes doivent, dans leurs convergences, permettre de rendre compte de l’hybridation croissante de la participation et de la communication dans la fabrication de l’urbain. De plus en plus souvent, la communication en aménagement et urbanisme participe à un renouvellement des techniques et dispositifs de la participation. Symétriquement, la participation déploie des actions qui, vues de haut, peuvent paraître strictement événementielles. Or il s’agit souvent, dans chacun de ces champs, d’élargir les publics de la fabrication de la ville, de renforcer leur engagement dans les processus de planification ou les projets urbains. Parallèlement, l’enjeu est également de maintenir un certain contrôle des lignes narratives potentiellement divergentes produites par ces nouveaux dispositifs de communication et participation (Ambal, 2019). Un champ s’ouvre ici à un renouvellement des analyses des pouvoirs urbains (Lambelet, 2019).

Références bibliographiques

Ambal, J. (2019). Projets urbains et imaginaires de la mobilité, les nouveaux récits de la fabrique métropolitaine : le cas du mégaprojet Bordeaux Euratlantique. PhD thesis in sociology. Bordeaux : Université de Bordeaux.

Ameel, L. (2016). Towards a narrative typology of urban planning narratives for, in and of planning in Jätkäsaari, Helsinki. Urban Design International 22(4), 318–330.

Bulkens, M., Minca, C. & Muzaini H. (2015), Storytelling as Method in Spatial Planning. European Planning Studies23(11): 2310-2326.

Eckstein, B., & Throgmorton, J. A. (2003). Story and Sustainability: Planning, Practice, and Possibility for American Cities. Cambridge: MIT Press.

Forester, J. (1999). The Deliberative Practitioner : Encouraging Participatory Planning Processes. MIT Press. 

Healey, P. (1992). Planning through debate: the communicative turn in planning theory. The Town Planning Review, 63(2), 233-249.

Keunen, B. and Verraest, S. (2012). Tell-tale Landscapes and Mythical Chronotopes in Urban Designs for Twenty-first Century Paris. CLCWeb: Comparative Literature and Culture 14(3), 1-11.

Lambelet, S. (2019). Régimes urbains 2.0: gouverner les villes suisses du 21e siècle. Thèse de doctorat en sciences politique. PhD thesis in political science. Genève, Université de Genève.

Mandelbaum, S.J. (1991). Telling stories. Journal of Planning Education and Research 10(3), 209–214. 

Matthey, L, Gaberell, S., Ambal, J. & Cogato Lanza, E. (2022). Les métamorphoses du récit en urbanisme. Métropolitiques. June 2022.

Matthey, L. (2014). Building up stories. Sur l’action urbanistique à l’heure de la société du spectacle intégré. Genève : A-Type.

Redondo, B. (2015). Le projet partenarial art public/tramway : pour quel(s) récit(s) de ville ?, Articulo - Journal of Urban Research Special issue 7.

Sandercock, L. (2003). Out of the closet: the importance of stories and storrytelling in planning pratice. Planning Theory & Practice, 4(1), 11-28.

Throgmorton, J. A. (2007). Inventing the Greatest: Crafting Louisville's Future Out of story and Clay. Planning Theory, 6(3), 237-262.

Throgmorton, J. A. (2003). Planning as Persuasive Storytelling in the Context of 'the Network Society'. Planning Theory, 2(2), 125-151.

Throgmorton, J. A. (1996). Planning as Persuasive Storytelling: The Rhetorical Construction of Chicago's Electric Future. Chicago: University of Chicago Press.

Throgmorton, J. A. (1992). Planning as persuasive storytelling about the future: Negotiating an electric power rate settlement in Illinois. Journal of Planning Education and Research 12, 17–31.

Uyttenhove P., Keunen B., Ameel L. (2021). La puissance projective. Intrigue narrative et projet urbain. Genève: MètisPress.

Vitalis, L., & Guéna, F. (2017). Narrer pour concevoir, concevoir pour narrer. Enjeux épistémologiques croisés. Revue française des sciences de l’information et de la communication (10).

Walter, M. (2013). Making Plans – Telling sTories: Planning in Karlskrona/Sweden 1980-2010. Doctoral Dissertation, School of Planning and Media Design, Blekinge Institute of Technology.

Soumettre une proposition

Les propositions de communication en anglais ou en français se font au moyen du formulaire électronique disponible à l’adresse formulaire de dépôt des propositions (copier-coller le lien dans la barre URL de votre navigateur). 

Les champs suivants seront à renseigner : titre, résumé de 600 mots (maximum), 5 mots-clés, nom, prénom, institution, adresse électronique du ou des auteurs.

Le résumé comprendra l’évocation d’un référentiel théorique et l’esquisse d’une problématique ; la mention d’un cadre méthodologique, d’un « terrain » et des résultats (escomptés) est souhaitée.

Le délai de soumission est porté au 22 août 2022.

Après une évaluation effectuée par le comité scientifique, les auteurs seront informés de l’acceptation ou du refus de leur proposition dans la deuxième partie du mois de septembre 2022.

Les personnes retenues devront livrer, d’ici au 23 décembre 2022, un résumé étendu de 1500 à mots, rédigé selon les normes de mise en page et de composition bibliographique qui seront communiquées lors de la notification d’acceptation.

Certaines communications de la journée d’étude donneront lieu, au terme d’un processus de sélection par le comité d’organisation puis d’évaluation, à une publication dans un ouvrage collectif ou une revue spécialisée.

Déroulement du colloque

Ce colloque se propose de faire dialoguer des chercheur-e-s issu-e-s de différentes disciplines autour de la question des usages du transmedia storytelling en aménagement et urbanisme. Les perspectives seront descriptives et/ou critiques.

Les papiers soumis donneront lieu à une discussion plus qu’à une présentation. La forme de l’atelier sera favorisée.

Organisation scientifique

Le colloque est organisé par l’Université de Genève et la Haute école de travail social de Genève dans le cadre du projet de recherche FNS-COST La fabrique narrative de la ville. Le comité d’organisation est composé de :

  • Julie Ambal, Université de Genève.
  • Elena Cogato Lanza, École polytechnique fédérale de Lausanne.
  • Simon Gaberell, Haute école spécialisée de Suisse occidentale – Genève.
  • Laurent Matthey, Université de Genève.

Date et lieu

16 et 17 février 2023, Université de Genève.

Comité scientifique

  • Hélène Bailleul, Université Rennes 2.
  • Alice Chénais, atelier Olga.
  • Laurent Devisme, ENSA Nantes.
  • Florent Favard, Université de Lorraine.
  • Federico Ferrari, ENSA Nantes.
  • Yankel Filjalkov, ENSA Paris Val-de-Seine.
  • Irène Langlet, Université Gustave Eiffel.
  • Alexia Mathieu, HEAD Genève.
  • Pieter Uyttenhove, Ghent University.

Contact

  • Laurent Matthey, Université de Genève, +41 22 379 88 85.