Modalités de récit analysées
La recherche s’intéresse à trois modalités de mise en récit du territoire genevois.
La première modalité est celle de la production d’un récit du territoire genevois tel que conçu par les professionnels de l’urbanisme employés ou mandatés par les administrations publiques. Il s’agit ici d’analyser différents supports élaborés par les pouvoirs publics pour communiquer autour des projets de transformations urbaines, tels par exemple:
- les documents d’accompagnement du plan directeur cantonal 2030 (cahier Genève, envie) ;
- la feuille de route de législature produite par le Département de l'aménagement du logement et de l'environnement (législature 2013-2018) puis par le Département du territoire (législature 2018-2023) ;
- les supports promotionnels diffusés à l’occasion d’événements grand public consacré à l’urbanisme genevois (matériau collecté sur le stand de l’Office d’urbanisme au salon des Automnales) ou ses projets emblématiques (matériau collecté dans le cadre des manifestations le “PAV s’expose” édition 1 et 2, des campagnes de promotion de la Plage des Eaux-Vives ou des journées grand public de visite des chantiers du CEVA )...
Ces différents supports ont pour point commun d’écrire la ville à venir du point de vue du pouvoir politique et de son administration. La recherche focalise ainsi, dans l’analyse de ces supports écrits, sur les processus de mise en intrigue du territoire genevois.
La deuxième modalité s’intéresse aux hypothétiques transformations de ce récit par des artistes (vidéastes) mandatés par les pouvoirs publics pour animer l’espace public. La recherche prend ici comme cas d’étude la manifestation MIRE portée par le Fonds cantonal d’art contemporain (FCAC) et l’Office d'urbanisme (OU) du Canton de Genève. Celle-ci aspire à transformer l’expérience spatiale des navetteurs de 5 gares d’une nouvelle ligne ferroviaire métropolitaine (le CEVA) au moyen d’installations vidéo. La manifestation ouverte en décembre 2019 doit durer 10 ans. Le corpus analysé dans ce contexte est multiple, par exemple:
- œuvres vidéo diffusées;
- commandes passées aux vidéastes;
- entretiens semi-directifs réalisés auprès des porteurs de projets et des artistes sélectionnés;
- expérience des oeuvres par un public, appréhendée au moyen d’observations (filmées, dessinées, photographiées) in situ et d’entretiens semi-directifs.
L’analyse et l’interprétation des œuvres valorisées ainsi que l’analyse et l'interprétation des commandes passées permet de saisir la manière dont un grand récit mobilise des intrigues subalternes, des récits enchâssés.
La troisième et dernière modalité s’intéresse à la production de contre-récits d’urbanisme par des acteurs individuels et collectifs. La recherche s'inscrit ici dans le paradigme de la recherche-participation et la géographie expérimentale. En organisant la rencontre, dans le temps long, de collaborateurs de l’administration cantonale, d’un collectif d’architectes-urbanistes développant des démarches innovantes en matière d’aménagement, d’habitants et enfin d’écrivains contemporains, la recherche aspire à faire émerger des contre-récits et tester les potentiels des intrigues complexes dans la planification.
À quoi ressemblerait un document de planification proposant plusieurs intrigues possibles? En quoi l’exercice planificateur en serait modifié? Quels seraient les possibles ouverts, en termes de participation habitante, par un document présentant différentes variantes possibles d’une même histoire, à l’exemple des livres dont on peut être le héros?
L’expérience globale se déroulera, en partenariat avec le Département du territoire, l’atelier Olga et le collectif d’écrivain AJAR, durant 12 mois au 3 DD – Espace de concertation et hors-les-murs, directement à la rencontre des habitants dans les quartiers. L’objectif est de construire, avec les habitants, une narration collective de leurs lieux de vie; d’expérimenter, c’est-à-dire de tester en faisant, les modalités d’une écriture collective et polyphonique, d’un document d’urbanisme, propre à alimenter la fabrique du plan directeur cantonal 2050.