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Problématique d’évaluation formative et certificative dans l’enseignement des mathématiques

Cet axe de recherche est lié à une thèse soutenue en octobre 2019 (Maud Chanudet). Dans le secondaire 1 genevois, en classe de 10e (grade 8 – élèves de 13/14 ans) les élèves de « profil scientifique » bénéficient d’une heure annuelle dite de développements en mathématiques, "destinée à un enseignement qui contribue au renforcement et au développement des capacités et des compétences des élèves dans les stratégies de résolution de problèmes et les activités de situations mathématiques", selon les directives du document de liaison du Cycle d’Orientation (CO). Cette heure qui s’ajoute aux 5 heures hebdomadaires de mathématiques peut, ou non selon les cas, conduire à un regroupement d’élèves de différentes classes, avec éventuellement un enseignant différent de celui qui dispense les heures de mathématiques ordinaires ; elle est par contre toujours donnée avec un effectif réduit, entre 10 et 15 élèves. Par ailleurs, selon les directives officielles, cette heure doit donner lieu à une évaluation certificative séparée, ce qui nécessite au moins deux notes pour chaque trimestre, soit environ une note toutes les 4h d’enseignement ! Il est également spécifié que « L’évaluation annuelle portera au moins pour 2/3 sur la recherche et sa restitution - et donc pour au plus 1/3 sur les contenus. ». On se retrouve donc face à une contradiction. En effet d’une part ce type d’enseignement nécessite une grande part d’autonomie de l’élève, qui doit développer des compétences générales liées à la résolution de problèmes ouverts, mettant en jeu une démarche d’investigation ce qui demande du temps et de la maturation. Et d’autre part, les enseignants doivent répondre à l’injonction institutionnelle d’une évaluation certificative très segmentée, portant sur des temps très courts.

Face à cette difficulté, le groupe d’enseignants concernés, en concertation avec l'équipe DiMaGe a choisi de centrer l’évaluation sur le dispositif de la narration de recherche. « Il s’agit de faire raconter par l’élève lui/elle-même la suite des actions qu’il ou elle a réalisées au cours de sa recherche. Un nouveau contrat est passé avec l’enseignant–e : l’élève s’engage à raconter du mieux possible toutes les étapes de sa recherche, à décrire ses erreurs, comment lui sont venues de nouvelles idées ; en échange, l’enseignant-e s’engage à faire porter son évaluation sur ces points précis sans privilégier la solution. » (définition retenue dans le document cantonal de liaison). Cette pratique de la narration de recherche n’est pas récente et a donné lieu à de nombreux travaux en particulier dans les réseaux des IREM et de l’APMEP depuis les années 70 (voir p.e. Bonafé et al. 2002, Chevalier 1992 et Sauter 1998), mais aussi plus récemment dans certains manuels, ou sur le site Sésamath. Il n’était pas inintéressant de la réinterroger dans la mouvance actuelle de la démarche d’investigation, surtout suite à notre implication dans le projet PRIMAS (voir Dorier 2012 et Dorier et Garcia 2013).

Dans un premier temps, la pratique de la narration de recherche, surtout avec des élèves de cet âge, nécessite que ceux-ci développent certaines capacités langagières et qu’ils apprennent à dire ce qu’ils font ; qu’ils se regardent faire en quelque sorte et soient capables de l’écrire. On peut de fait se demander si ce n’est pas trop exigeant, en particulier dans un contexte multiculturel comme souvent à Genève. De plus, certains élèves sont parfois capables de trouver la bonne solution tout de suite et n’ont de fait pas grand chose à dire. A l’opposé, un risque serait de développer chez les élèves des capacités « raconter pour raconter », tout en oubliant la pertinence mathématique de la recherche ou son objectif (but du problème). Pour éviter ces écueils et permettre d’établir avec les élèves un contrat qui prenne également en charge la question de l’évaluation des narrations de recherche dans une visée de tendance formative, nous avons travaillé à la constitution d’une grille d’évaluation donnée en début d’année aux élèves qui devient de fait un outil commun pour l’enseignant et les élèves, pour apprendre à travers la narration de recherche à mieux résoudre des problèmes de mathématiques. Cette grille est donc un outil d’évaluation à la fois formative et certificative. Sur la base de cette première étape, le travail de thèse de Maud Chanudet va s’orienter vers un travail collaboratif avec un groupe d’enseignants pour voir comment cette grille (amenée à évoluer) peut devenir effective. Dans un deuxième temps, nous envisageons d’observer certains enseignants dans le fonctionnement quotidien en classe avec cette grille, pour voir comment les élèves évoluent dans leur pratique de la narration de recherche.

Au-delà de ce travail précis de thèse notre équipe travaille en collaboration, via Sylvie Coppé avec le projet européen ASSIST ME (Assess Inquiry in Science, Technology and Mathematics Education) et avec l’équipe EReD Évaluation, régulation et différenciation des apprentissages de la professeure Lucie Mottier-Lopez .