5 octobre 2023 - Rachel Richterich

 

Analyse

«Une réponse humanitaire doit renforcer les systèmes sur place»

Dans le cadre de son 25e anniversaire, le Centre d’études humanitaires de Genève organise des assises pour penser l’aide de demain.

 

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Un employé de la Croix-Rouge au Salvador, un pays où les ambulances sont régulièrement la cible d'attaques, en 2022. Photo: Anadolu Agency/AFP


Cette journée, Karl Blanchet la veut comme «une réflexion constructive» sur l’avenir de l’aide humanitaire. C’est en ces termes que le directeur du Centre d’études humanitaires de Genève présente les Assises de l’humanitaire prévues le 9 octobre prochain auxquelles s’associent également les Hôpitaux universitaires de Genève (HUG), la Faculté de médecine et le Geneva Health Forum – un réseau d’organisations internationales actives dans le domaine de la santé. En soirée, au terme d’une conférence donnée par l’ancien président de Médecins sans frontières (MSF) Rony Brauman, le public est invité à collaborer à cette démarche. Objectif: redéfinir le rôle des institutions universitaires genevoises dans le contexte humanitaire actuel. Entretien.

 

Le Journal: Qu’attendez-vous concrètement de cette journée de réflexion autour de l’aide humanitaire?
Karl Blanchet: L’objectif de ces assises, auxquelles participeront également de grands acteurs externes de l’aide humanitaire et de la Genève internationale comme le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), MSF et la Direction du développement et de la coopération (DDC), est de réfléchir à la place et au rôle que peuvent tenir les institutions hospitalo-universitaires dans le contexte de l’aide internationale et d’aboutir à une feuille de route sur la manière d’accompagner les organisations humanitaires.

Le paysage humanitaire fait face à des crises et conflits qui perdurent. Quels sont les enjeux pour les diverses organisations qui œuvrent sur place?
Les conflits tendent en effet à se complexifier, ce qui amène les organisations humanitaires à devoir se professionnaliser davantage. Il ne s’agit plus seulement de fournir une action rapide, mais une réponse humanitaire bien pensée visant à renforcer les systèmes sur place: santé, éducation, protection, etc.

De quelle manière peut-on renforcer ces systèmes?
En y allouant très concrètement des ressources financières. Mais aussi par le biais de la professionnalisation des acteurs/trices locaux/ales. Actuellement, près de 80% des personnes œuvrant dans l’humanitaire viennent du pays affecté. Et aujourd’hui (en contraste avec les années 1980), ces mêmes personnes sont devenues des cibles dans les conflits armés, où l’on voit se multiplier les attaques contre les centres de santé, les hôpitaux et les ambulances. Elles doivent savoir comment agir et réagir dans ces contextes chaotiques. Et ce, notamment à travers des formations de qualité.

Mieux former le personnel humanitaire sur les zones de conflit, c’est l’ambition que vous affichiez à votre arrivée à la tête du Centre d’études humanitaires fin 2019. Quel premier bilan en tirez-vous?
Nous sommes parvenu-es à augmenter l’accessibilité à nos cours: sur une cohorte de 20 étudiant-es de master, 12 viennent de Syrie, d’Afghanistan et d’Éthiopie, soit plus de la moitié. Avec le Ministère des affaires étrangères du Luxembourg et le Canton de Genève, nous avons en outre mis en place un système de bourses d’études dédiées aux organisations locales et avons reçu plus de 300 demandes pour 40 places. Chaque année, nous formons 250 professionnels et plus de la moitié sont des femmes et des personnes issues de pays en crise.

Quels sont les objectifs pour les années à venir?
Notre prochain défi sera d’augmenter ce soutien aux organisations locales. Il est important de rappeler le constat fait lors du Sommet mondial d’Istanbul sur l’action humanitaire en 2016: seul 1,8% de l’aide internationale allait aux organisations locales, qui sont pourtant les premières à intervenir sur place. La forte demande pour nos formations nous montre que ces organisations nous connaissent et que notre travail porte ses fruits. Par ailleurs, plus elles gagnent en compétences, plus elles obtiennent de financements pour leurs actions. En parallèle, nous visons à peser également davantage auprès de grandes organisations. Fait notable, le CICR a choisi d’externaliser chez nous dès l’an prochain le cours HELP, le cours en santé humanitaire le plus ancien. Cela leur permettra d’offrir une formation universitaire diplômante. Pour nous, c’est une belle reconnaissance de la qualité du contenu que nous dispensons. Mais nous devons continuer à faire plus!

Assises de l’humanitaire
Amphithéâtre Marcel Jenny - Hôpitaux Universitaires de Genève
Lundi 9 octobre -18h
Conférence de Ronny Brauman, ancien président de Médecins Sans Frontières France (MSF), chercheur au CRASH MSF

Inscription et programme complet

 

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