21 septembre 2023 - Alexandra Charvet

 

Analyse

La méditation, une solution pour bien vieillir?

Le 25 septembre, une soirée thématique propose de décrypter les effets de la méditation sur le vieillissement. Avec, à l’appui, la projection du film «Golden Seniors» suivie d’un débat auquel participent psychiatres et neuroscientifiques.

 

AdobeStock_536585694_J.jpg

La méditation permet notamment de réguler le stress ou de diminuer les états émotionnels négatifs, des facteurs de risque pour la maladie d'Alzheimer. Image: N. Lawrenson

 

L’espérance de vie dépassant aujourd’hui les 80 ans en Suisse, les problèmes de santé qui affectent la qualité de vie des personnes âgées, en particulier le déclin cognitif, constituent un enjeu de taille. Le projet de recherche européen Silver Santé Study a pour but d’identifier les facteurs déterminants de la santé mentale et du bien-être des seniors qui pourraient être modifiés par des interventions non pharmacologiques. Dans ce cadre, les scientifiques se sont penché-es sur l’effet de la méditation. Entretien avec Patrik Vuilleumier, professeur au Département des neurosciences fondamentales et au Geneva University Neurocenter.

 
LeJournal: La méditation est-elle une solution pour prévenir certaines maladies, celle d’Alzheimer par exemple?
Patrik Vuilleumier:
Je ne le pense pas. Mais cette pratique peut faire partie des éléments à mettre en œuvre pour en limiter les risques. Même si on ne les connaît pas totalement, de nombreux facteurs sont à l’origine de la maladie d’Alzheimer et, de la même manière que pour les maladies cardiovasculaires, il est possible d’agir sur ceux qui sont liés à nos habitudes de vie, comme la diète, l’activité physique, le fait de fumer ou non… Un certain nombre d’observations montrent que l’anxiété, le stress, les ruminations ou les antécédents d’états dépressifs sont des facteurs de risques pour cette affection. Leurs conséquences sont tout aussi importantes que les facteurs génétiques qui, pour le coup, sont bien moins facilement modifiables. La pratique de la méditation est donc une piste que certain-es scientifiques cherchent à explorer, sachant qu’elle permet de mieux gérer les émotions négatives et donc d’en limiter les répercussions.

 

Peut-on mesurer l’impact de la méditation sur le cerveau?
Certaines données montrent qu’une pratique régulière de la méditation a un effet positif sur le cerveau. Après avoir participé à un entraînement à la méditation pendant quelques semaines ou quelques mois, un certain nombre de sujets s’améliorent dans des tâches de régulation des émotions, de perception des signaux intéroceptifs (signaux internes) ou dans leurs capacités attentionnelles. Au niveau cérébral, un changement de l’activation de certaines structures est en effet observable: les régions activées par des émotions négatives tendent à l’être moins ou moins longtemps. Lorsqu’on étudie une population experte qui pratique la méditation de façon intensive, comme certains moines, il semble que ses membres ont un vieillissement plus sain, de meilleures facultés d’autorégulation des émotions et que certaines de leurs régions cérébrales s’atrophient moins avec l’âge. Toutefois, ces personnes, outre la pratique de la méditation, ont un mode de vie très particulier…

 

Des changements pérennes sont-ils observés?
Une étude menée en Allemagne, en collaboration avec une chercheuse de notre équipe, a montré que l’apprentissage de la méditation change non seulement l’activité cérébrale, mais également la structure du cerveau, certaines régions du cortex devenant par exemple plus épaisses. Quant à leur pérennité, elle est identique à toute capacité: si vous jouez du piano ou au tennis, certaines régions du cortex moteur vont se modifier. Mais si la pratique est irrégulière, le changement ne va pas durer.

 

Le film «Golden Seniors» suit le parcours de cinq seniors recruté-es dans un projet de recherche baptisé Silver Santé. Quel est le but de ce dernier?
Il s’agit d’un projet européen auquel notre équipe a participé et qui vise à étudier l’efficacité de différentes interventions sur une grande cohorte de personnes âgées dont les fonctions cognitives sont préservées, qui sont autonomes et qui ne présentent aucun facteur de risque génétique. Ces personnes ont été assignées de façon aléatoire à trois types d'interventions: un groupe a appris différentes techniques de méditation, un autre l’anglais et le troisième – le groupe témoin – n’a pas bénéficié d'intervention active. Après dix-huit mois, les sujets ont été soumis à des tests de mémoire, des fonctions cognitives et des capacités attentionnelles. Notre équipe a notamment étudié le fonctionnement cérébral de la régulation des émotions via l’IRM fonctionnelle.

 

Quels résultats avez-vous obtenus?
Lorsqu’une personne ressent une émotion négative, son activité cérébrale se modifie pendant quelque temps avant de retrouver un état neutre, on parle alors d’une inertie émotionnelle. Si une personne met beaucoup de temps pour retrouver cet état de base, cela reflète une mauvaise gestion des émotions, ce qui constitue un facteur de risque pour les dépressions. Notre étude consistait à exposer le sujet à des vidéos émotionnelles, extraites de programmes TV, qui montraient des scènes sociales tristes. Nous avons observé que les personnes âgées qui présentent une longue inertie émotionnelle ont plus tendance à rapporter des ruminations dans leur vie quotidienne ou à revenir sur des épisodes négatifs.

 

Qu’est-ce que cela signifie?
Nous avons pu montrer que les régions qui présentent une activité anormalement persistante à la suite de ces émotions négatives sont les mêmes que celles qui sont atteintes précocement dans la maladie d’Alzheimer. Elles se situent dans le cortex cingulaire postérieur, un territoire à la jonction entre mémoire et régulation des émotions, qui s’active souvent trop et trop longtemps et qui est lié à la présence de ruminations. C’est comme si le cerveau continuait à triturer les informations en mémoire, une des raisons pour lesquelles la structure s’atrophierait plus rapidement chez les patient-es qui développent une maladie d’Alzheimer. Une inertie émotionnelle exagérée constitue donc un facteur de risque de déclin cognitif chez les personnes âgées.

MÉDITER POUR MIEUX VIEILLIR: QUE DIT LA SCIENCE?

Projection du film Golden Seniors suivie d’un débat avec Guido Bondolfi, psychiatre, UNIGE et HUG; Laurence Bovay, instructrice méditation pleine conscience pour seniors (MBCAS), Ressource Mindfulness; Gaëlle Chételat, directrice de recherche à l'Inserm, équipe Neuroprésage, Caen; François Kohler, réalisateur; et Patrik Vuilleumier, neuroscientifique, UNIGE et HUG

Lundi 25 septembre | 18h30 | Les Cinémas du Grütli

 

Analyse