26 mars 2020

 

Il pleut du fer sur WASP-76bn

 

Des chercheurs ont trouvé une exoplanète dont la face exposée à son étoile est si chaude que les métaux se vaporisent, forment des nuages et retombent en gouttelettes dès qu’ils pénètrent dans l’hémisphère plongé dans l’ombre

 

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Dessin par Frederik Peeters: «Chantons sous la pluie de fer: une soirée sur WASP-76b»

 

WASP-76b est une planète géante située à quelque 390 années-lumière de la Terre. Bien trop loin pour que l’être humain y pose un jour les pieds. Qu’à cela ne tienne, la météo y est déplorable: «On pourrait dire que les soirées sont pluvieuses sur cette planète, et qu’en plus, il pleut du fer», déclare David Ehrenreich, professeur au Département d’astronomie (Faculté des sciences) et premier auteur de l’article qui rapporte cette découverte publiée le 11 mars dans la revue Nature.

Détectée à l’aide du tout nouveau spectrographe ESPRESSO, un instrument conçu à l’Université de Genève et équipant le Very Large Telescope de l’Observatoire européen austral (ESO) au Chili, la nouvelle exoplanète possède un hémisphère diurne continuellement exposé à son étoile et où les températures grimpent au-dessus de 2400°C, ce qui suffit pour vaporiser les métaux. Les vents forts qui balayent l’atmosphère transportent ensuite ces nuages de fer vers le côté plongé dans la nuit. Là, la température chute de près de mille degrés, ce qui provoque la condensation des vapeurs en gouttelettes de fer qui déferlent vers la surface.

 

Vapeur de fer entre les côtes jour et nuit

Ce phénomène de précipitation n’a pas seulement été déduit logiquement des différences de températures extrêmes qui règnent entre la face cachée et la face exposée de WASP-76b. Les astronomes ont en effet identifié, pour la première fois, une différence chimique entre deux régions opposées d’une planète géante gazeuse ultra chaude. Toujours grâce à ESPRESSO, ils ont ainsi mesuré une forte signature de vapeur de fer sur une des frontières séparant les côtés jour et nuit (désignée formellement comme la limite du «soir»), alors qu’elle est absente sur l’autre (la limite dite du «matin»). La conclusion logique est que le métal s’est condensé quelque part entre les deux, dans la nuit éternelle, faisant pleuvoir des larmes de fer.

Le spectrographe ESPRESSO a été construit par le Département d’astronomie de l’UNIGE avec un consortium international composé d’équipes du Portugal, d’Italie, de Suisse, d’Espagne et de l’ESO. Conçu à l’origine pour chasser les planètes semblables à la Terre autour d’étoiles similaires au Soleil, il s’est avéré beaucoup plus polyvalent. Il permet en effet de caractériser celles qui sont déjà connues et de tracer le climat des exoplanètes les plus extrêmes.