Journal n°101

Quand le mouvement déraille

La motricité est la première fonction altérée par la maladie de Parkinson. Si les thérapies médicamenteuses restent indispensables, la chirurgie apporte des solutions complémentaires

Quel point commun ont la maladie de Parkinson, l’épilepsie ou les tics? Ces pathologies dépossèdent les personnes qui en sont atteintes de leur liberté de mouvement, du contrôle de leur corps. En ce qui concerne la maladie de Parkinson, une structure cérébrale profonde ‒ le noyau sous-thalamique ‒ focalise l’attention des neurochirurgiens, étant donné le rôle qu’elle joue dans le contrôle du mouvement volontaire. Professeur au Département des neurosciences cliniques de la Faculté de médecine et chef du Service de neurologie des HUG, Pierre Pollak interviendra le 18 mars prochain dans le cadre de la Semaine du cerveau. Entretien.

Que peut apporter la chirurgie aux patients atteints de parkinson?
Pierre Pollak: Le ralentissement du mouvement ou son absence est le symptôme cardinal du trouble parkinsonien. Et la dopamine est «la» molécule qui atténue les symptômes moteurs. Nul patient ne peut donc se passer des médicaments dopaminergiques, en particulier la L-dopa, le précurseur de la dopamine. Reste que pour une petite proportion des patients, de l’ordre de 5 à 10%, la chirurgie représente une voie efficace pour améliorer les complications motrices au long cours liées à la L-dopa, à savoir les fluctuations motrices et les mouvements anormaux.

Vous parlez du «paradoxe du mouvement» en ce qui concerne la maladie de Parkinson...
Dans certaines circonstances bien précises, un patient tout à fait immobilisé retrouve sa liberté de mouvement, et les gestes naturels redeviennent possibles. Le sommeil constitue, d’ailleurs, un de ses états particuliers. A l’aide de certains stimuli auditifs et visuels, il est possible de permettre au patient de recouvrer ses fonctions motrices et kinesthésiques. Ce qui permet de contourner les circuits du système nerveux rendus déficients par la maladie.

Quelles sont les techniques chirurgicales adaptées à la maladie de Parkinson?
Avant la stimulation cérébrale profonde, les neurochirurgiens causaient des lésions volontaires, notamment dans un noyau du thalamus avec comme bénéfice l’arrêt du tremblement du membre supérieur controlatéral. Aujourd’hui, deux techniques sont employées pour effectuer une lésion du noyau thalamique sans ouvrir la boîte crânienne: le gamma knife, qui utilise des radiations, et les ultrasons à haute énergie. Quant à la technique utilisée couramment en neurochirurgie, il s’agit de la stimulation cérébrale profonde, dite aussi intracrânienne.

En quoi consiste-t-elle?
Il s’agit de placer, dans la zone du cerveau concernée, des électrodes connectées à un boîtier délivrant un courant électrique de faible intensité restaurant l’activité anormale des circuits nerveux. Cette méthode, invasive, n’est pas exempte de risques, comme toute intervention neurochirurgicale. En cas de contre-indications à la chirurgie, certains patients se voient dirigés vers les techniques du gamma knife ou des ultrasons. La stimulation présente toutefois deux avantages majeurs: elle est ajustable, et elle est réversible. On peut toujours paramétrer différemment le dispositif, voire l’arrêter ou même le retirer en cas d’effets indésirables ou d’inefficacité. Les effets indésirables des autres techniques sont en revanche permanents.

D’autres pathologies aussi traitées par stimulation cérébrale profonde sont-elles ciblées, chirurgicalement parlant, de la même façon?
A chaque symptôme correspond une cible précise dans un réseau neuronal particulier. Pour les maladies qui sont reconnues par Swissmedic, nous avons cartographié plusieurs structures cérébrales en lien avec des pathologies clairement identifiées. Dans le cas du tremblement essentiel, c’est au niveau du thalamus que les chirurgiens interviennent. L’inconvénient, c’est que cette structure est connectée à une boucle neuronale des émotions et des activités cognitives. Il n’y a pas de séparation très claire entre les fonctions motrices et d’autres fonctions tout aussi fondamentales.

| mercredi 18 mars |

Quand le mouvement déraille
19h | Uni Dufour


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