Journal n°101

Les promesses infinies du «Graphene Flagship»

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Doté d’un milliard d’euros, le programme «Graphene Flagship» a pour objectif d’étudier ce matériau aux propriétés uniques et de développer des applications

Composants ultralégers pour la voiture ou l’aéronautique, super-piles, détecteurs chimiques hypersensibles, transistors extra-rapides, écrans tactiles flexibles... Les promesses du graphène, un matériau composé d’une seule couche d’atomes de carbone et doté d’une combinaison unique de propriétés physiques remarquables, sont nombreuses. Publiée le 22 février dans la revue Nanoscale, la feuille de route scientifique et technologique du projet phare européen Graphene Flagship, lancé en 2013 et doté d’un budget d’un milliard d’euros sur dix ans, n’en omet aucune. Parmi les 142 partenaires industriels et académiques provenant de 23 pays, l’Université de Genève participe à ce programme ambitieux. Alberto Morpurgo, professeur au Département de physique de la matière condensée (Faculté des sciences), représente la Suisse au sein de ce programme qui compte aussi des chercheurs des universités de Bâle et de Zurich, des écoles polytechniques fédérales de Lausanne et de Zurich et de l’EMPA.

Le graphène n’est pas le premier exemple de «matériau révolutionnaire» dans l’histoire de la technologie. Les scientifiques pensent néanmoins qu’il possède le potentiel pour jouer un rôle central dans les «technologies de rupture», et devenir LE matériau du XXIe siècle.

Monocouche

Découvert en 2004 par Andre Geim, de l’Université de Manchester, le graphène est composé d’une monocouche d’atomes de carbone dont l’empilement forme le graphite, le même que celui des crayons gris. La prouesse d’Andre Geim est d’avoir réussi à isoler une seule de ces feuilles.

Le graphène est le premier matériau bidimensionnel et cette configuration lui confère des propriétés uniques. Il est très léger tout en présentant une résistance à la rupture beaucoup plus grande que l’acier, il conduit la chaleur et l’électricité avec une efficacité remarquable, il est transparent, il peut transformer l’énergie lumineuse en électricité (effet photovoltaïque) et bien d’autres choses encore.

La production du graphène s’avère beaucoup moins difficile que prévu. Après seulement dix ans de perfectionnement, plusieurs firmes sont aujourd’hui capables de fabriquer des feuilles d’environ 1 m2 pour des prix qui ne cessent de baisser. L’Asie a pris une certaine avance dans le processus industriel (61% des brevets dans ce domaine sont concentrés en Chine et en Corée du Sud), mais l’Europe demeure à la pointe de la recherche académique.

Changer d’échelle

«Aujourd’hui, une des difficultés consiste à changer d’échelle sans perdre les propriétés physiques du graphène, explique Alberto Morpurgo. Les constructeurs d’avions sont par exemple intéressés par ce matériau léger et résistant, mais il n’est pas imaginable de construire un jet avec une monocouche de carbone. Le défi consiste à combiner le graphène avec d’autres matériaux sans perdre ses vertus.»

D’ailleurs, des matériaux monocouches composés d’autres éléments que le carbone ont été découverts ces dernières années. Ils ont des propriétés complémentaires et ont eux aussi un grand potentiel technologique. Autant de nouvelles pistes que le projet «Graphene Flagship» promet de suivre également.