Journal n°107

Le réseau thématique «langage et communication» sur les rails

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Pour fédérer les chercheurs en sciences du langage et de la communication et développer les synergies, un réseau thématique voit le jour à l’UNIGE. Huit projets de recherche ont été sélectionnés

Comprendre et traiter la dyslexie, analyser la communication des acteurs de la santé sur Internet, examiner les discours des organisations internationales, comprendre la complexité et la variation des systèmes linguistiques: voilà quelques-uns des défis du nouveau Réseau thématique «langage et communication». Cette nouvelle structure regroupe une cinquantaine de chercheurs de l’UNIGE, impliqués dans huit projets de recherche. Coup d’envoi le 2 octobre prochain lors d’une journée d’études, organisée par Radu Suciu, coordinateur du groupe opérationnel chargé de la gestion du Réseau thématique.

Tradition linguistique

L’idée d’un tel réseau s’est concrètement inscrite dans le plan stratégique de l’Université 2011-2015 qui fixait, parmi les priorités de l’institution, la mise en œuvre d’un nouveau pôle d’excellence en sciences du langage et de la communication. L’UNIGE dispose en effet d’une longue tradition linguistique remontant à Ferdinand de Saussure et perpétuée notamment par Albert Sechehaye. «Si le Département de linguistique excelle en recherche fondamentale, avec un ERC Advanced Grant, de nombreux projets FNS ou l’organisation de colloques mondiaux, beaucoup d’autres disciplines travaillent de manière pointue sur le langage, que ce soit en neurosciences, en didactique ou en sciences de la communication, explique Jacques Moeschler, professeur au Département de linguistique et membre du groupe opérationnel. L’UNIGE possède également une grande expertise dans le traitement automatique du langage, la traduction automatique ou les outils d’aide à la traduction. Toutefois, jusque-là, il n’existait que peu de passerelles entre les disciplines.»

Pour commencer son activité, le Réseau thématique a établi une cartographie des recherches et des enseignements dans le domaine au sein de l’UNIGE. Que ce soit au niveau de l’acquisition du langage, de son utilisation ou de sa perte, de sa structure et de sa modélisation, de son enseignement ou encore de la communication ou des émotions, les thématiques traitées sont nombreuses et les compétences partagées au sein de plusieurs facultés, centre et institut (Droit, Lettres, Psychologie et sciences de l’éducation, Sciences de la société, Traduction et interprétation, Médecine, Centre universitaire d’informatique, Institut universitaire de formation des enseignants).

Sélection rigoureuse

L’étape suivante a consisté à fédérer les chercheurs, à favoriser les synergies et à stimuler des recherches interdisciplinaires en lançant un appel à projets. Le tout pour permettre l’émergence d’ici trois ou quatre ans d’un programme de recherche à même de prétendre à un Pôle de recherche national. «Pour ce faire, le projet devra être suffisamment diversifié du point de vue disciplinaire, tout en étant cohérent du point de vue des thématiques de recherche», précise Jacques Moeschler.

La sélection des lauréats a été réalisée par des experts externes, qui se sont prononcés sur l’originalité et la pertinence scientifique des projets, leur faisabilité ainsi que l’importance accordée à la dimension interdisciplinaire. «L’appel a été large avec un processus de sélection extrêmement rigoureux. Les règles les plus strictes ont été appliquées et toutes les précautions ont été prises pour éviter les conflits d’intérêts», insiste Jacques Moeschler. La distribution du soutien financier accordé par le rectorat pour dynamiser ce réseau thématique s’est d’ailleurs faite selon les mêmes standards d’évaluation que ceux utilisés par le Fonds national suisse de la recherche, l’Agence nationale de la recherche (ANR) en France ou encore la National Science Foundation (NSF) aux Etats-Unis.

Recherches diversifiées

Au final, huit projets ont été retenus parmi la vingtaine de candidatures reçues. Ils se répartissent au sein de trois grands champs que couvre le Réseau thématique: les neurosciences cognitives, la linguistique computationnelle et la communication. Dans le premier domaine, les chercheurs s’attacheront par exemple à comprendre les bases cognitives de la dyslexie et à proposer de nouvelles pistes de thérapie. Ils utiliseront pour cela des techniques mêlant électroencéphalogrammes pour des études en psychologie, IRM structurales pour mesurer les différences au niveau anatomique et stimulations transcrâniennes comme voie thérapeutique. Du côté de la linguistique, leur intérêt se portera entre autres sur des questions typologiques autour de l’ordre des mots et des relations de dépendance ou encore sur les relations entre théorie linguistique et traitement en temps réel, une étude portant sur les dépendances à longue distance ‒ soit les relations entre deux éléments linguistiques qui sont éloignés dans une phrase enchâssée. Les spécialistes de la communication étudieront pour leur part l’évolution du langage utilisé par les organisations internationales au fil des ans, en comparant, à l’aide des outils des humanités numériques, rapports, dossiers, correspondances et autres documents produits. Deux autres programmes appréhenderont, quant à eux, l’un les nouvelles pratiques en matière de communication dans le domaine de la santé en liaison avec l’essor du numérique, l’autre la part des discours dans la fabrication, la transmission et l’appropriation des savoirs en contexte d’éducation et de formation. Enfin, un dernier projet faisant intervenir des géographes, des historiens, des linguistes, des sociologues et des spécialistes du big data portera sur les questions de néotoponymie, les processus de dénomination de nouvelles rues ou de nouveaux quartiers.

Regard prospectif

L’ensemble des projets seront financés sur une période de trois ans. Les activités du Réseau thématique ne se limiteront toutefois pas à la recherche. «Une partie des ressources sera mise au bénéfice de la communauté linguistique, avec l’organisation de séries de conférences, précise Jacques Moeschler. D’autre part, il s’agira de mener une réflexion sur la structure des formations, notamment en coordonnant les enseignements. Beaucoup de programmes nécessitent des modules de science du langage ou de science de la communication. Une offre intégrée pourrait être proposée. Nous allons aussi entamer une réflexion plus ambitieuse, comme le développement d’un Master interfacultaire en science du langage et de la communication par exemple.»

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