Journal n°115

L’ethnomusicologie fait son grand retour à l’Université

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Un Master en ethnomusicologie sera proposé par la Faculté des lettres dès septembre 2016. Unique en Suisse, cette formation fait écho à la récente rénovation du Musée d’ethnographie de Genève

En septembre prochain, l’UNIGE proposera à ses étudiants un nouveau Master en ethnomusicologie. Formation unique en Suisse, elle est le fruit d’une collaboration avec l’Université de Neuchâtel et la Haute Ecole de musique de Genève (HEM).

Née à la fin du XIXe siècle avec les travaux de quelques personnages isolés, l’étude des musiques non occidentales et des musiques en marge de l’Occident s’est d’abord effectuée d’un point de vue comparatif. La discipline s’est réorientée autour de 1950, en cherchant à définir un champ de recherche plus vaste. Elle a adopté le nom sous lequel on la connaît aujourd’hui: ethnomusicologie, discipline qui s’est largement développée depuis. Entretien avec Ulrich Mosch, professeur à l’Unité de musicologie.

Qu’est-ce qui a poussé l’Unité de musicologie à proposer un Master en ethnomusicologie?

Ulrich Mosch: L’idée est née il y a quelques années. Il y avait, d’une part, le besoin de proposer une formation exhaustive qui avait disparu du paysage suisse depuis une quinzaine d’années. D’autre part, la relance d’une telle filière à Genève pouvait s’appuyer sur la rénovation du Musée d’ethnographie de Genève, qui renferme d’importantes collections et archives musicales.

La collaboration avec la HEM et l’Université de Neuchâtel s’est-elle imposée naturellement?

Dès le départ, il a été évident que l’Unité de musicologie de l’UNIGE ne pourrait pas monter une telle filière toute seule. La formation nécessite un grand nombre d’enseignants spécialisés dans des domaines très divers. Nous avons donc décidé d’élaborer ce master en collaboration avec l’Institut d’ethnologie de l’Université de Neuchâtel et avec la Haute Ecole de musique de Genève, afin de pouvoir offrir à nos étudiants des enseignements pratiques, en plus d’une formation théorique. C’est justement cet aspect pratique qui rend la formation unique dans le monde francophone.

Comment expliquer que la filière ait complètement disparue en Suisse?

C’est difficile à dire. La perte d’une discipline est souvent liée au départ à la retraite d’un professeur ou à l’envie d’un département de se réorienter. Il y a plusieurs années, l’ethnomusicologie était enseignée à l’Université de Bâle. Aujourd’hui, la question de la musique est abordée dans le cadre de l’anthropologie à l’Université de Berne, mais seulement partiellement; l’Université de Bâle dispose, quant à elle, d’un Centre d’études africaines, mais ne propose pas de formation spécialisée en ethnomusicologie. Nous travaillons d’ailleurs à établir des collaborations avec d’autres institutions afin d’élargir l’offre des cours pour nos futurs étudiants.

Quelles sont les disciplines qui seront enseignées dans ce nouveau Master?

Les rapports d’une société à la musique et les fonctions que celle-ci peut comporter seront examinés. Dans certaines sociétés, la production du son est liée à des fonctions sociales spécifiques, comme par exemple les rites sacrés. La réception de la musique par les différents groupes sociaux et la répartition des courants feront également partie des domaines étudiés: on se demande pourquoi un groupe particulier s’intéresse à un certain type de musique et par quels groupes celle-ci est produite.

Comment l’enseignement sera-t-il organisé?

La première année consistera en une formation théorique et méthodologique; la deuxième comportera un stage de quatre à six mois, ainsi que la rédaction d’un mémoire. Les étudiants auront la possibilité de choisir parmi trois orientations: pratiques de conservation et de mise en valeur d’archives sonores et de collections d’instruments, recherche de terrain ou langages et pratiques des musiques non occidentales. Concernant les cours, ceux-ci seront répartis entre les trois établissements partenaires.

A qui est destinée cette formation et quels en sont les débouchés?

Celle-ci s’adresse à trois types de profil: les musicologues, les ethnologues et les musiciens. Nous ne sommes pas à la recherche de musiciens professionnels, mais une certaine pratique musicale est toutefois exigée. Il s’agit d’un Master spécialisé, pour lequel l’admission se fait sur dossier. Il est possible qu’un futur étudiant doive effectuer une mise à niveau en ethnologie, en musicologie ou de sa pratique musicale avant de pouvoir commencer la formation. Concernant les débouchés, ceux-ci sont nombreux, comme l’enseignement, la recherche, le journalisme spécialisé, le travail dans un musée ou encore la médiation culturelle.