Journal n°116

Première suisse: l’Université analyse ses inégalités salariales

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La rémunération des employées de l’UNIGE est inférieure de 14,7% à celle de leurs collègues masculins. Nul en bas de l’échelle, l’écart se creuse à mesure que la rémunération augmente

Pionnière dans le domaine de l’égalité des chances, l’Université de Genève a publié ce printemps une étude inédite analysant en profondeur les différences de salaires entre femmes et hommes au sein de l’institution. Réalisée par l’Observatoire universitaire de l’emploi (OUE) sur mandat du Bureau de l’égalité, ses résultats, obtenus après dépouillement de 2378 questionnaires (soit 40,2% des employés de l’UNIGE), démontrent que la rémunération moyenne des femmes est inférieure de 14,7 % à celle de leurs collègues masculins. Cette différence est cependant loin d’être homogène. Quasiment nulle au bas de l’échelle, elle est significative pour les salaires moyens et continue à se creuser à mesure que la rémunération augmente.

Secrétariat et chancellerie

Selon les auteurs de l’étude, ces écarts sont à mettre en relation avec les différences importantes qui existent dans la répartition hiérarchique des hommes et des femmes, ces dernières étant 17 % à exercer une fonction de cadre, contre 38 % de leurs homologues masculins. Les hommes occupent ainsi trois quarts des professions les plus exigeantes au sein de l’institution tandis que les femmes sont deux fois plus nombreuses dans les postes qui nécessitent des connaissances professionnelles spécialisées. A titre d’exemple, la proportion de femmes dans la catégorie «secrétariat et travaux de chancellerie» est quatre fois plus élevée que celle des hommes (20,4% de femmes contre 5,2% des hommes).

«Ces chiffres décrivent une université dans laquelle les positions supérieures liées à la recherche académique restent largement accaparées par les hommes, commentent les auteurs du rapport. Et ce malgré la présence plus importante de femmes parmi les étudiants et même si l’Université de Genève est, parmi toutes les hautes écoles, celle dont le taux de femmes professeures est le plus élevé en Suisse.»

Principe d’égalité

Ce hiatus se retrouve lorsqu’on examine le niveau de formation, les hommes étant sensiblement plus nombreux à posséder un diplôme universitaire (77,5% contre 62,5% des femmes) et à bénéficier d’un titre de docteur (64,4% contre 41,8%). Et il se répercute également sur les salaires puisqu’à profil identique, en termes de formation, d’expérience, d’ancienneté, de position hiérarchique et d’exigence du poste, les femmes touchent encore, malgré les efforts déployés depuis plusieurs années en vue de respecter le principe d’égalité salariale – inscrit dans la Constitution depuis 1981 –, une rémunération inférieure de 2,1% à celle des hommes.

Toujours à profil comparable, les hommes présentent aussi des chances plus élevées d’accéder à une position supérieure. Le modèle développé par les auteurs de l’étude calcule en effet une probabilité d’avoir été promu de 58,6% pour un homme possédant vingt-quatre ans d’expérience et un titre de docteur, contre seulement 35 % pour une femme présentant les mêmes caractéristiques.

Plusieurs facteurs peuvent être invoqués pour expliquer les écarts constatés. Premièrement, à niveau de responsabilité égale, les femmes exercent souvent des fonctions moins bien rémunérées. Ce phénomène est lié à la nature du travail qui est exécuté. Par exemple, les hommes qui occupent les positions de cadres moyens sont principalement des professeurs ordinaires,mieux rémunérés que leurs homologues féminins généralement employés dans les hauts postes administratifs. De la même manière, les employés exécutant des travaux spécialisés sont souvent des secrétaires, alors que leurs homologues masculins se retrouvent davantage dans des fonctions techniques mieux rétribuées.

Selon les conclusions de l’étude, «il n’est toutefois pas possible de se prononcer rigoureusement sur la présence ou non d’une discrimination à l’embauche ou à la promotion, dans le cadre des cursus académiques, même si l’importance des différences observées en termes de probabilité de promotion ainsi que les résultats trouvés dans la littérature scientifique suggèrent que les femmes sont généralement désavantagées dans ce type de parcours professionnel».

Groupe de travail

Soucieux de ne pas en rester là, le Rectorat a mis sur pied un groupe de travail ad hoc qui a d’ores et déjà produit un certain nombre de pistes pour des propositions concrètes visant à apporter des réponses à cette étude.

L’une d’elles consiste à compléter la base de données existantes par des informations utiles pour l’analyse de l’équité salariale et de poursuivre l’observation du phénomène de l’engagement des femmes dans des fonctions où elles sont surqualifiées. Le groupe de travail propose également une batterie de mesures visant à réduire les inégalités qui peuvent survenir au cours d’une carrière, aussi bien au sein du personnel administratif et technique que du corps enseignant: mise en place d’un véritable suivi de carrière, surveillance de l’égalité en matière d’annuité, sensibilisation, information et promotion à tous les échelons de l’institution, favorisation de la mobilité et de la formation en cours d’emploi, etc.

Le groupe de travail recommande aussi d’acquérir au plus vite le label Equal salary, mis au point avec la collaboration de l’OUE et qui examine si une entreprise pratique effectivement une politique salariale équitable entre les femmes et les hommes.

| pour en savoir plus |

Analyse de l’égalité salariale entre femmes et hommes à l’Université de Genève, par Vahan Garibian, sous la dir. de Roman Graf, Observatoire universitaire de l’emploi, 53 p.