Journal n°119

Un nouveau bâtiment dédié aux exoplanètes ouvre ses portes

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Ouverte au public le 2 juillet, l’extension de l’Observatoire compte des bureaux, un atelier et une salle blanche dans laquelle est assemblé le spectromètre ESPRESSO, futur fleuron de la chasse aux exoplanètes

L’Observatoire de l’UNIGE dispose désormais d’une nouvelle extension sur son site de Sauverny. Inauguré le 27 juin, le bâtiment propose des bureaux, des salles de conférence, un nouvel espace pour l’atelier technique et une vaste salle blanche dans laquelle sont assemblés les premiers éléments d’ESPRESSO, un spectromètre ultra-précis qui va révolutionner la chasse aux planètes extrasolaires. En attendant les portes ouvertes du 2 juillet, visite guidée avec Francesco Pepe, professeur au Département d’astronomie (Faculté des sciences) et responsable du projet ESPRESSO.

A quels besoins répond l’extension de l’Observatoire de l’Université de Genève?

Francesco Pepe: Deux événements sont survenus au même moment: le Fonds national pour la recherche scientifique a sélectionné le Pôle de recherche national (PRN) PlanetS, codirigé par les universités de Genève et de Berne, tandis que l’ESO (Observatoire européen austral) a choisi le consortium mené par le Département d’astronomie pour construire le futur spectromètre ESPRESSO. Nous nous sommes alors rendu compte que, d’une part, il fallait plus de place pour accueillir les collaborateurs du PRN et que, de l’autre, notre salle blanche était trop petite pour contenir un appareil aussi volumineux que le spectromètre. Si l’on voulait avoir les moyens de nos ambitions, à savoir conserver notre place de leader dans la découverte et l’étude des planètes extrasolaires, il n’y avait d’autre choix que de construire cette extension. Une loi votée par le Grand Conseil genevois en 2014 a permis de débloquer un budget de 17,5 millions de francs pour les travaux.

Le bâtiment sera-t-il un modèle d’écologie?

Il vise les exigences du label Minergie-P. Il utilisera pour y parvenir des technologies de pointe comme le rafraîchissement par dessiccation et le concentrateur solaire hybride qui convertit l’énergie solaire en électricité et en chaleur avec un rendement de 70%.

L’aspect le plus original du bâtiment est sa salle blanche...

Il s’agit d’une salle blanche classée ISO-7, ce qui exige entre autres que la concentration de poussières d’un demi-micron (millième de millimètre) de diamètre reste inférieure à 352 000 particules par m3. Pour respecter cette norme, il faut porter une combinaison spéciale, maintenir l’atmosphère en surpression pour éviter les infiltrations de l’extérieur et installer des filtres à particules très efficaces. L’exigence de propreté n’est pas aussi stricte que celle d’un laboratoire de biotechnologie ou de semi-conducteurs. Mais il se trouve qu’avec ses 210 m2, notre salle blanche compte parmi les plus grandes de sa catégorie en Suisse.

Elle accueille actuellement le spectromètre ESPRESSO. De quoi s’agit-il?

Cet instrument est destiné à être monté sur le VLT (Very Large Telescope) au Chili. Il décompose avec une très grande précision la lumière émise par les étoiles en une multitude de couleurs. Les variations de ce spectre dans le temps nous permettent de calculer la vitesse radiale de l’astre et de déduire la présence ou non d’une planète en orbite. ESPRESSO est conçu sur le même principe que HARPS, dont un exemplaire est installé sur le télescope de 3,6 mètres de diamètre de La Silla au Chili. ESPRESSO sera plus grand et plus performant. Il pourra recevoir la lumière de n’importe lequel des quatre télescopes de 8 mètres du VLT, voire même des quatre à la fois. Le spectromètre sera capable de mesurer des changements de vitesse radiale aussi petits que 10 cm/s, ce qui est suffisant pour détecter des planètes similaires à Vénus (80% de la masse de la Terre et 70% de la distance Terre-Soleil) autour d’étoiles un peu plus petites que le Soleil. Nous pourrons aussi effectuer des analyses de l’atmosphère de certaines planètes.

Comment avez-vous obtenu ce mandat?

Nous avons fait nos preuves depuis des décennies en matière de développement de spectromètres de haute résolution. HARPS, en particulier, que nous avons achevé il y a 12 ans, représente un succès technologique et scientifique exceptionnel dans le domaine très en vue des exoplanètes. Nous avons aussi démontré qu’un spectromètre comme ESPRESSO est extrêmement polyvalent du point de vue scientifique. Nous sommes d’ailleurs les premiers intéressés par son utilisation. C’est ainsi que nous avons pu convaincre la communauté scientifique, et l’ESO en particulier, de la nécessité de cet instrument.

L’Observatoire dispose de son propre atelier technique. Pourquoi ne sous-traite-t-il pas la construction d’ESPRESSO à une entreprise privée?

Parce que nous fabriquons des instruments qui n’existent pas sur le marché. Et nous sommes les seuls à avoir développé un savoir-faire en la matière. Nous connaissons l’objectif à atteindre mais aussi les limites de nos choix technologiques et les possibilités de les repousser au maximum pour améliorer nos appareils. A l’Observatoire, les scientifiques peuvent compter sur des techniciens spécialisés en optique, en mécanique, en électronique et en informatique. Cette proximité est essentielle. Elle nous permet de partager un même langage et une connivence qui facilite les contacts entre les différents corps de métier. Cela dit, nous sous-traitons tout de même la fabrication de certaines pièces à des sociétés privées, notamment dans le domaine de l’optique. L’assemblage du spectromètre se fait toutefois à l’Observatoire.

Quand le spectromètre sera-t-il terminé? Et à quel coût?

On devrait livrer l’appareil en 2017. Il s’agit d’une collaboration entre sept institutions (dont l’Université de Genève) issues de quatre pays (Suisse, Italie, Espagne et Portugal) et l’ESO. Ces partenaires se partagent à parts plus ou moins égales un budget d’environ 23 millions d’euros.

A quoi servira la salle blanche ensuite?

D’autres projets sont déjà sur liste d’attente dont la fabrication de NIRPS, un spectromètre semblable à HARPS mais fonctionnant dans l’infrarouge. Une partie du montage se fera à Genève. Il est prévu de pouvoir diviser la salle blanche en quatre espaces plus petits à l’aide de rideaux. Elle fera également partie des infrastructures technologiques mises en commun entre l’Université de Genève et les hautes écoles spécialisées dans le cadre du Laboratoire de technologies avancées.