Journal n°119

Quand les savoirs scientifiques appuient les choix politiques

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Le professeur Thierry Courvoisier a passé plusieurs années à la tête des Académies suisses des sciences. Pour sa leçon d’adieu, il revient sur le rôle de ces instances pour la société

«Les scientifiques ont une responsabilité vis-à-vis de la société.» C’est fort de cette conviction que l’astronome Thierry Courvoisier a accepté, au cours de sa carrière, plusieurs mandats de présidence au sein des principales instances scientifiques nationales et européennes: Académie suisse des sciences naturelles, Académies suisses des sciences, European Academies Science Advisory Council (EASAC), Société d’astronomie européenne… et la liste n’est pas exhaustive.
«Pour répondre aux défis de nos sociétés contemporaines et prendre les bonnes décisions, les politiques doivent se baser sur des savoirs qui sont dégagés de tout intérêt particulier, martèle le professeur. En ce sens, les académies des sciences ont un rôle crucial à jouer.»
Si la mission principale de telles instances a peu changé au cours des ans – faire bénéficier les politiciens et la société dans son ensemble des savoirs scientifiques –, leur rôle a pris de l’ampleur au début des années 1990. «Face aux problèmes environnementaux et aux conséquences négatives des nouvelles technologies, il est redevenu important de réfléchir au rôle de la science», explique Thierry Courvoisier.
Parmi les questions sur lesquelles les Académies suisses se sont penchées, on citera notamment le génie génétique avec une ferme prise de position, les énergies renouvelables avec un rapport autour de l’utilisation du sol ou, plus récemment, le système de santé national avec la publication d’un guide pratique pour sa réforme.
«En Suisse, les Académies ont une influence sur le débat, mais leurs recommandations ne sont pas toujours suivies, regrette celui qui a passé plusieurs années à leur tête. La Commission européenne est plus réceptive aux avis des scientifiques que ne le sont les gouvernements nationaux. Elle est donc plus encline à modifier en conséquence ses politiques.»

Impacts politiques
Par exemple, le rapport de l’EASAC, qui soulignait les effets négatifs des pesticides néonicotinoïdes sur les abeilles, a rencontré, l’an dernier, un fort écho dans le monde politique et économique. Un retentissement qui a conduit à une modification de la politique européenne en la matière. De même, la directive européenne sur les biocarburants – atteindre 20% de fuel d’origine bio – a été retirée, en partie en réaction à un rapport de l’EASAC qui montrait les limites de ce type d’énergie.
Parmi les moments marquants de sa carrière, l’infatigable scientifique cite volontiers sa visite à l’Académie chinoise des sciences, où il a été invité à présenter «la manière dont un avis indépendant peut être donné à l’Etat». «Cette expérience me permet de croire qu’il est possible de faire bouger les choses», s’enthousiasme le professeur.
Pour sa leçon d’adieu, le 7 juin prochain, Thierry Courvoisier se servira de l’exemple de l’astronomie – sa spécialité – et de son impact pour la société afin d’évoquer la question du rôle des académies.


| MARDI 7 JUIN |

Le savoir, des télescopes aux gouvernements
17h | Sciences II