Journal n°81

Genève, chaînon clé du Nobel de médecine

Deux docteurs «honoris causa» de l’UNIGE figurent parmi les lauréats du prix Nobel de médecine, décerné cette année pour des recherches dans le domaine du transport intracellulaire

couv
Le 7 octobre dernier, le prix Nobel de médecine était attribué conjointement à Thomas Südhof, James Rothman et Randy Sheckman pour leurs travaux dans le décryptage du processus du transport cellulaire. Ces deux derniers ont été nommés docteur honoris causa de l’UNIGE il y a une dizaine d’années.

Rôle fondamental
Les lauréats 2013 du Nobel de médecine ont joué un rôle fondamental dans la caractérisation des molécules impliquées dans ce dispositif et dans l’identification de ses mécanismes de contrôle. «Rothman et Sheckman ont mené des travaux complémentaires, en suivant des approches très différentes», explique Jean Gruenberg, professeur au Département de biochimie (Faculté des sciences). L’approche génétique suivie par Randy Sheckman a permis d’identifier les gènes impliqués dans le transport. James Rothman a, quant à lui, choisi la voie de la biochimie pour explorer le domaine du trafic cellulaire, reconstituant in vitro l’une des étapes du transport. A partir de là, il a pu mettre au jour les molécules impliquées dans le processus. De son côté, Thomas Südhof a identifié les mécanismes de contrôle de l’influx nerveux. Le professeur Gruenberg ajoute que «si les trois lauréats n’ont jamais travaillé directement ensemble, Rothman et Sheckman ont étroitement collaboré grâce à une grande figure de la microscopie électronique, le professeur Lelio Orci de l’UNIGE (lire article). La convergence des études génétiques, biochimiques et ultrastructurales a ainsi joué un rôle essentiel dans ces découvertes.»

Perspectives médicales
De nombreuses maladies génétiques humaines sont liées à des dérèglements du transport cellulaire. Ainsi, les découvertes de Rothman, Sheckman et de Südhof ont amené de nouvelles perspectives dans le traitement thérapeutique de ces maladies. Par ailleurs, énormément de bactéries et de protozoaires infectent les cellules humaines en détournant le trafic cellulaire à leur avantage, d’où la nécessité d’une meilleure compréhension de ces phénomènes dans la lutte contre les agents pathogènes.

Décryptage du processus
La question du transport des protéines synthétisées à l’intérieur d’une cellule vers l’environnement extérieur se pose depuis longtemps. Georges Palade, Albert Claude et Christian de Duve, récompensés du Nobel de médecine 1974, ont amené une première réponse avec leurs travaux. «Ces trois-là sont en quelque sorte les pères fondateurs de la biologie cellulaire contemporaine», commente Jean Gruenberg, dont l’équipe travaille à décrypter les principes et les processus de contrôle des mouvements intracellulaires le long de la voie endocytique (de l’extérieur de la cellule vers l’intérieur). La cellule est compartementalisée en différentes organelles qui assurent le transport des protéines. L’expérience clé que Palade a menée a permis d’illustrer le transit de molécules d’une organelle à l’autre, à l’intérieur de la cellule. Concrètement, une vésicule se forme à la membrane du compartiment donneur, se détache et se déplace dans le cytoplasme jusqu’à rencontrer son compartiment cible. Puis, par fusion des membranes, elle y transfère son contenu.

Biochimie à l’honneur
Jean Gruenberg se réjouit de voir le Nobel de médecine 2013 attribué à des scientifiques actifs dans la recherche fondamentale. «A une époque où l’on a tendance à penser que seule la recherche appliquée est intéressante, il est nécessaire de laisser une marge de manœuvre suffisante aux chercheurs pour qu’ils puissent développer des programmes sans contrainte de résultat. Cela afin de ne pas compromettre la science de demain», argumente-t-il. Par ailleurs, cette mise en lumière de la biochimie au moment où l’entier du génome a été séquencé et où des techniques de microscopie extrêmement élaborées permettent de suivre les molécules dans les organismes n’est pas pour lui déplaire. «Le choix de ces trois scientifiques est aussi un signal positif pour les jeunes qui commencent leurs études aujourd’hui. Cette attribution récompense la réunion de trois disciplines de la biologie – la génétique, la biochimie et la neurobiologie – un bel exemple de transdisciplinarité.»


Articles associés

L’homme sans qui rien n’aurait pu arriver