Journal n°81

La «biologisation» et l’homosexualité

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Considérer que l’homosexualité est due à des facteurs biologiques semble encourager la tolérance des hétérosexuels. Mais que révèle l’adhésion à cette théorie?

Depuis des décennies, de plus en plus de personnes dans les pays occidentaux soutiennent la théorie selon laquelle l’identité sexuelle d’un individu est déterminée par des facteurs biologiques. En général, les hétérosexuels adhérant à cette théorie sont plus tolérants à l’égard des lesbiennes et des gays que ceux qui considèrent l’identité sexuelle comme le fruit d’un choix personnel. Ainsi, l’hypothèse biologique serait, pour beaucoup, une doctrine pro-gay. Des chercheurs de la Section de psychologie, en collaboration avec l’Université de Surrey (Angleterre), se sont intéressés aux motifs qui poussent certains hétérosexuels à soutenir cette doctrine: cautionnent-ils cette théorie pour répondre à un besoin de différenciation, donc à cause de préjugés homophobes?

Actuellement, l’égalité sociale pour tous, quelle que soit l’orientation sexuelle, est de plus en plus encouragée. Selon Juan M. Falomir Pichastor, professeur à la FPSE, elle semble pourtant être vécue comme une menace par certains hétérosexuels qui y voient une remise en cause de leur masculinité.

Masculinité menacée
Selon les chercheurs et contrairement à ce que l’on pourrait penser, la dominance de la masculinité demeure fragile et cette fragilité incite certains hommes hétérosexuels à afficher de manière plus explicite leur virilité et anti- féminité. Ceux qui ont une attitude homophobe considèrent que la masculinité exclut l’homosexualité et ressentent le besoin de marquer leur distinction par rapport à cette minorité sexuelle. Soutenir la théorie biologique de l’identité sexuelle semble être un des moyens pour affirmer cette différenciation au niveau du groupe. Le professeur Falomir montre que cette dynamique est accentuée dans le contexte actuel de tolérance envers les minorités. En effet, c’est parce qu’un homme hétérosexuel sent sa masculinité menacée par les normes égalitaires qu’il va adhérer davantage à la théorie de l’identité sexuelle.

Motifs cachés
L’adhésion à cette théorie peut rendre un homme plus tolérant envers les lesbiennes et les gays. Néanmoins, un tel choix semble motivé par des préjugés incitant à éloigner l’homosexualité de la masculinité. Il en va autrement pour les femmes, qui éprouvent moins le besoin d’asseoir leur féminité, en se différenciant des lesbiennes, et se sentent alors moins menacées par les normes égalitaires.

Cette étude, réalisée sur un échantillon de la population hétérosexuelle suisse et publiée dans la revue The British Journal of Social Psychology, montre donc que, bien qu’elle puisse avoir des effets positifs, l’adhésion à la théorie de la «biologisation» peut cacher des mobiles beaucoup moins louables.