Journal n°86

«Rappelons l’importance des universités pour notre avenir»

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Avec le gel des négociations sur les programmes de recherche Horizon 2020 et Erasmus+, les universités seront parmi les premières à ressentir les effets du vote du 9 février. La direction de l’UNIGE réagit

A peine connue la décision du Conseil fédéral de ne pas accepter en l’état l’accord portant sur l’extension de la libre circulation à la Croatie, l’Union européenne a répliqué, le 16 février dernier, en gelant les négociations sur les programmes de recherche Horizon 2020 et sur Erasmus+. Les hautes écoles suisses seront donc parmi les premiers à ressentir les effets très concrets du vote «contre l’immigration de masse».

Trou ver des solutions

«Nous prenons acte de ces décisions, en nous attelant dès maintenant à en limiter le plus possible les effets négatifs, réagit Yves Flückiger, vice-recteur de l’UNIGE. Il s’agit de ne pas tomber dans la sinistrose. De ce point de vue, le message du rectorat à l’adresse de nos chercheurs, enseignants et étudiants consiste à dire: continuez à travailler comme vous le faisiez avant le 9 février, avec toute l’excellence qui a contribué à notre succès. De notre côté, nous allons œuvrer à trouver des solutions.»

Le refus d’étendre la libre circulation à la Croatie donne une première indication des mesures que pourrait prendre la Suisse. Mais face aux très nombreuses incertitudes quant à l’application du texte de l’initiative, notamment sur la question des quotas, il est prématuré de détailler les décisions que pourraient prendre les universités pour protéger leurs intérêts.

Un enjeu stratégique

Yves Flückiger esquisse toutefois quelques pistes: «Nous devons commencer par faire prendre conscience aux autorités politiques du dommage qui pourrait être causé aux hautes écoles et insister sur l’importance de la place universitaire pour l’avenir de notre économie et de notre société. Grâce notamment au soutien des pouvoirs publics, les universités suisses génèrent des retombées très importantes pour le tissu économique local, sans oublier qu’elles sont les principales pourvoyeuses de l’innovation qui créera la richesse de demain.»

Les responsables des hautes écoles suisses et du secteur de la recherche ont d’ailleurs pris position en ce sens dans un message envoyé au Conseil fédéral le 17 février. L’ampleur des montants investis par l’Union européenne dans le programme de recherche Horizon 2020, 80 milliards d’euros, donne à elle seule une idée des enjeux cruciaux que représente la recherche universitaire dans la stratégie des pays de l'Union européenne, notamment pour faire face à la concurrence des économies émergentes. Il n’est pas envisageable que la Suisse soit poussée en marge de cette évolution.

Plus concrètement, «les universités pourraient plaider auprès de la Confédération l’obtention d’une exception aux quotas, estime Yves Flückiger. Les flux migratoires engendrés par l’engagement des enseignants et des chercheurs ainsi que par l’accueil d’étudiants étrangers restent en effet relativement modestes, au regard de ceux générés par d’autres secteurs. Nous pourrions également envisager que les sommes versées actuellement par la Confédération à titre de participation aux programmes européens soient attribuées directement aux hautes écoles suisses.»

Négocier au cas par cas

Quant à la suspension des programmes d’échanges d’étudiants Erasmus+, si elle devait se confirmer, une alternative peut être envisagée à travers les accords bilatéraux que l’UNIGE entretient et prévoit d’entretenir avec d’autres universités, en Europe et également sur d’autres continents. Dans ce cas, «l’Université de Genève devra négocier au cas par cas l’acceptation des candidats dans les universités partenaires», ajoute le vice-recteur. La Suisse a déjà vécu une situation identique le 6 décembre 1992, lors du «non» à l’adhésion à l’EEE, alors qu’elle était membre à part entière du programme Erasmus. En 1995, la Suisse n’avait pas pu non plus renouveler sa participation à Erasmus, dans le nouveau cadre de SOCRATES. Une «participation indirecte» avait alors été mise en place sur des fonds de la Confédération. Cette situation a perduré jusqu'en 2010-2011, date de la ré-adhésion au programme officiel.


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