Journal n°86

Coup d’œil sur l’activité des premières galaxies

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L’étude d’une galaxie située à plus de 13 milliards d’années-lumière ouvre une fenêtre sur l’Univers tel qu’il était moins d’un milliard d’années après le big bang

Les télescopes spatiaux Hubble et Spitzer ont découvert l’une des galaxies les plus lointaines – et les plus jeunes – que l’on connaisse. Sur le cliché pris dans le cadre d’une campagne de mesure du ciel profond appelée Hubble Frontier Fields, la galaxie baptisée Y1 apparaît comme elle était à peine 650 millions d’années après le big bang. Son signal, venu du fin fond de l’Univers, a été analysé par une équipe internationale d’astronomes, dont Daniel Schaerer, professeur associé au Département d’astronomie. Comme ils l’expliquent dans un article paru dans la revue Astronomy et Astrophysics du mois de février, Y1 est un objet très dense qui fonctionne comme une pouponnière d’étoiles très active.

Un très long voyage

La lumière émise par Y1 a mis plus de 13 milliards d’années pour parvenir jusqu’à la Terre. Sa détection n’a été possible qu’en exploitant un phénomène de loupe naturelle appelé lentille gravitationnelle. Cet effet est provoqué par la présence, entre l’observateur et la source de lumière, d’une masse phénoménale. Celle-ci, à très grande échelle, courbe la trajectoire des rayons de façon à faire apparaître la source à un autre endroit du ciel que là où elle se trouve normalement tout en amplifiant la quantité de lumière.

Les amas de galaxies, à savoir des regroupements de centaines ou de milliers de galaxies, forment d’excellentes lentilles. La campagne Hubble Frontier Fields, qui a commencé à la fin de l’année dernière et qui devrait durer trois ans, s’intéressera à six de ces amas. Abell 2744, qui a révélé Y1, est le premier sur la liste.

Tandis que le télescope Hubble couvre les ultraviolets, la lumière visible et le proche infrarouge, le télescope Spitzer s’occupe de l’infrarouge plus lointain. En tout, neuf bandes de longueur d’onde sont ainsi enregistrées. Chacune des images est le résultat de six à vingt-cinq heures d’exposition ce qui permet de faire apparaître des objets très peu brillants.

Une usine à étoiles

A partir de ces données et grâce aux modèles de simulation développés par Daniel Schaerer, les chercheurs ont pu déterminer la taille et la masse de la jeune galaxie. Il en ressort que le rayon de Y1 est environ 30 fois plus petit que celui de la Voie lactée. Sa masse, elle, est 10 fois plus faible. En revanche, elle produit en son sein de nouvelles étoiles à une cadence au moins 10 fois supérieure à notre vieille galaxie.

«L’étude d’un objet comme Y1 permet d’en savoir plus sur les premières phases de la formation des galaxies mais aussi sur l’Univers tel qu’il était moins d’un milliard d’années après le big bang, souligne Daniel Schaerer. Une époque dont on ne sait pas grand-chose et que l’on surnomme les âges sombres.»