Journal n°91

PlanetSolar se met au service de l’archéologie sous-marine

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Le bateau solaire battant pavillon suisse sera utilisé cet été en Grèce par des archéologues genevois. Il servira de plateforme scientifique afin de mener des fouilles sur un site submergé

«MS Tûranor PlanetSolar» reprend du service. Après l’expédition DeepWater le long du Gulf Stream en 2013, le navire battant pavillon suisse et mû par l’énergie solaire se lance cet été dans une mission en Grèce baptisée TerraSubmersa. Il sera exploité comme moyen de transport et comme plateforme scientifique dans le cadre d’une campagne archéologique sous-marine menée par des archéologues de l’UNIGE en collaboration avec le Musée Le Laténium (Neuchâtel), l’Ecole suisse d’archéologie en Grèce, le Service grec des Antiquités sous-marines ainsi que le Centre hellénique de recherche maritime.

Longue occupation

Le site de fouille est localisé au large de la grotte de Franchthi, sur la rive nord de la baie de Kiladha (golfe de Nauplie). La grotte est connue pour avoir été occupée durant près de 35 000 ans, du Paléolithique au Néolithique, une période exceptionnellement longue à l’échelle européenne. Au cours de ces millénaires, le niveau de la mer a considérablement varié. Il était, par exemple, sensiblement plus bas à la fin de la dernière glaciation, il y a environ 20 000 ans. C’est pourquoi les scientifiques pensent que des vestiges anciens se trouvent désormais sous l’eau.

Les travaux des chercheurs, dont fait partie Julien Beck, de l’Unité d’archéologie classique (Faculté des lettres) et responsable scientifique de TerraSubmersa, s’inscrivent dans l’étude plus large de la propagation de l’agriculture depuis le Proche-Orient, où elle est apparue il y a quelque 9000 ans, vers l’Europe. De récents travaux ont en effet révélé que la navigation en Méditerranée orientale était beaucoup plus ancienne que ce que les experts avaient imaginé jusqu’à présent. Les hommes auraient ainsi navigué pour la première fois il y a plus de 100 000 ans. Du coup, de par sa situation géographique, il est possible que la Grèce ait joué un rôle charnière entre l’Asie et l’Europe dans la diffusion du mode de vie néolithique. Dans ce contexte, le site de la grotte de Franchthi constitue une cible de choix pour les archéologues puisqu’il y a forcément eu une interaction entre ses occupants et la mer au fil des millénaires. «Peut-être y trouverons-nous l’un des premiers villages d’Europe», avance Julien Beck.

Aspirateur hydraulique

Les chercheurs utiliseront le catamaran solaire et l’Alkyon, un bateau du Centre hellénique de recherche maritime, pour mener des mesures géophysiques (échosondeur à multifaisceaux, sonar à balayage latéral, GPS, etc.). Le but consiste à dresser une topographie des zones côtières anciennes et à repérer d’éventuelles traces d’activité humaine. Des plongeurs réaliseront ensuite des fouilles subaquatiques grâce à un aspirateur hydraulique. Les sédiments dégagés et l’eau turbide seront rejetés sur le pont d’un bateau pour y être tamisés, ce qui permettra de récolter les plus petits vestiges qui échappent généralement aux fouilleurs.