Journal n°97

Finance durable: concilier performance et responsabilité

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Pour promouvoir la recherche et stimuler le débat sur la finance durable, le Geneva Finance Research Institute organise la deuxième édition du Geneva summit on sustainable finance

Comment le réchauffement climatique ou le bien-être des employés d’une entreprise peuvent-ils influencer les décisions des investisseurs? Cette question réunira près de 400 participants le jeudi 27 novembre pour la deuxième édition du sommet sur la finance durable organisé par le Geneva Finance Research Institute.

Organisateur de la manifestation, Philipp Krüger vient d’être nommé professeur assistant en finance responsable. Une première en Suisse. Il dispense son enseignement aux étudiants du Master en gestion de patrimoine, dans le but d’aider ces futurs professionnels de la finance à intégrer les enjeux du développement durable. Entretien.

Comment la finance responsable s’est-elle développée?
Philipp Krüger
: On la voit déjà apparaître au XVIIe siècle, aux USA, avec des investisseurs méthodistes qui souhaitent accorder leurs transactions avec leurs valeurs religieuses et excluent de ce fait certaines activités considérées alors comme «péchés» (alcool, tabac, jeux). Au XXe siècle, les investissements socialement responsables se développent, avec cette même idée d’exclusion de domaines d’activité non éthique, comme par exemple l’armement. En particulier, les fonds de pension américains ont procédé à un large désinvestissement en Afrique du Sud lors de l’apartheid. Pour la première fois, des décisions financières étaient prises en fonction de critères extra-financiers.

Qu’en est-il aujourd’hui?
La finance responsable cherche à concilier logique de performance et dimension environnementale. Il s’agit d’inscrire l’investissement financier dans une logique du long terme. Les gestionnaires des fonds de pension, qui s’engagent pour les générations futures, ont par exemple modifié leur approche. En effet, la valeur de leurs investissements peut drastiquement diminuer si le risque environnemental se réalise. Un investisseur qui place son argent dans une entreprise qui pollue n’est en général pas impacté par cet aspect négatif. Ce qui n’est pas le cas d’un investisseur global, qui aura aussi investi dans des entreprises dont la valeur diminue par l’effet de cette pollution. Un nombre certain d’acteurs financiers, et non des moindres, considèrent d’ailleurs le réchauffement climatique comme un risque économique important actuellement.

Quel peut être l’apport de la recherche dans ce domaine?
En économie, on ne peut pas faire d’expérience comme en médecine, avec un groupe qui prend un médicament et un autre groupe qui ne le prend pas. Toutefois, la mise en œuvre d’une nouvelle loi au Royaume-Uni, obligeant les entreprises cotées en Bourse à publier leur bilan carbone, va permettre ce cadre d’expérience. Les recherches vont montrer comment les valeurs boursières des entreprises peuvent être affectées par une telle loi. Ces travaux sont importants, entre autres pour le développement de nouvelles réglementations.

L’Etat doit-il encourager les investissements responsables?
Le régulateur a un rôle clé à jouer en fixant des standards et en établissant des normes. Les décisions financières pourront être améliorées si la transparence concernant les risques extra-financiers va en augmentant.

Quels sont les obstacles au développement d’une finance responsable?
Le manque de formation. Il y a encore beaucoup de réticences parmi les acteurs de la finance qui considèrent le sujet comme étant de second ordre. Il faut changer les mentalités. Beaucoup d’a priori ont la peau dure, comme celui qui voudrait que les investissements durables ne soient pas aussi performants que les investissements traditionnels. C’est pourquoi il est important d’organiser de tels événements, de faire l’état des lieux de la recherche et de stimuler les échanges.

Concrètement, de quoi parlera-t-on le 27 novembre?
Par exemple du financement des combustibles fossiles, avec ce que l’on appelle la «bulle carbone». La valeur en Bourse de ces industries est aujourd’hui basée sur les réserves encore à exploiter. Toutefois, la communauté internationale s’est donné comme objectif de limiter le réchauffement climatique à 2°C par rapport à l’ère préindustrielle, ce qui ne permettra pas d’utiliser l’entier des réserves. Ainsi, toutes les entreprises du secteur ont été surévaluées. L‘argent injecté dans les industries du carbone pourrait être simplement perdu.


| JEUDI 27 NOVEMBRE |
Geneva summit on sustainable finance
8h30-17h | CICG, 17 rue de Varembé