Journal n°97

Jouer à des jeux vidéo d’action favorise l’apprentissage

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Les adeptes de jeux d’action obtiennent de meilleurs scores dans des tests de performance visuelle, car ils ont augmenté leur capacité d’apprentissage grâce à la pratique de leur divertissement

Les experts se divisent sur la question de savoir si les jeux vidéo d’action, souvent violents, engendrent des effets négatifs. Ce qui est sûr, en revanche, c’est qu’ils en provoquent des positifs. Le fait de s’adonner à ce genre de divertissement permet en effet non seulement d’améliorer ses compétences dans certaines tâches cognitives mais aussi, de manière plus générale, d’augmenter sa capacité d’apprendre. C’est le résultat d’une étude parue le 10 novembre dans la revue des Proceedings of the National Academy of Sciences et menée par Daphné Bavelier, professeure à la Section de psychologie (FPSE), et ses collègues des universités de Rochester et de Princeton aux Etats-Unis.

Machine à prévision

«On sait déjà que les adeptes de jeux d’action excellent dans de nombreuses tâches, explique Daphné Bavelier. Nous montrons qu’ils sont performants, car ils apprennent mieux que les autres. Et s’ils apprennent mieux, c’est précisément parce qu’ils jouent à des jeux d’action très rythmés qui exigent que leur attention passe sans cesse, en l’espace de quelques secondes, d’une cible ponctuelle à ce qui se déroule dans un environnement plus large, etc.»

Le cerveau tente constamment de prédire ce qui va suivre, que l’on soit en train de mener une conversation, de conduire ou même de réaliser une opération chirurgicale. Selon une théorie dite du Template Model, largement admise par la communauté neuroscientifique, pour affiner cette prédiction et donc ses performances d’analyse, le système nerveux central élabore des modèles du monde qui nous entoure basés sur son expérience. Selon cette théorie, plus les modèles sont bons, plus les performances cognitives le sont aussi.

Daphné Bavelier et son équipe ont mené trois expériences de perception visuelle durant six ans avant de parvenir à cette conclusion. Les volontaires ont dû identifier l’orientation d’une figure abstraite (légèrement tournée dans le sens des aiguilles d’une montre ou dans le sens contraire) apparaissant de manière furtive sur un écran entre deux autres images ne contenant que du bruit de fond (comme la neige sur les téléviseurs).

Lors d’une première expérience, les performances des adeptes des jeux d’action se sont avérées supérieures à celles de personnes ne partageant pas cette distraction.

Les chercheurs ont ensuite tenté de savoir si les joueurs possèdent naturellement de meilleurs modèles cognitifs ou si ces derniers sont le résultat de leur pratique du jeu d’action. Ils ont alors demandé à des personnes ayant peu d’expérience dans cette activité de jouer à des jeux vidéo durant cinquante heures réparties sur neuf semaines. Un groupe s’est mis à Call of Duty (jeu de guerre), un autre à The Sims (jeu non violent). Lors des tests de perception visuelle, menés avant et après la période de jeu, le premier groupe a amélioré ses performances de manière significative, contrairement au second.

Effet durable

Finalement, les chercheurs ont évalué des joueurs de jeux d’action et des non-joueurs à l’aide de tests de perception visuelle en les suivant cette fois-ci sur la durée. Lors des premiers essais, les deux groupes ont obtenu les mêmes résultats. Pourtant, au fur et à mesure des séances, étalées sur deux jours, les joueurs se sont démarqués des autres, démontrant une plus grande faculté d’apprentissage.

L’effet perdure dans le temps puisque le même test, répété plusieurs mois après, a abouti au même résultat, les participants rompus aux jeux d’action faisant toujours mieux que les autres.

«Nous voulons maintenant savoir quelles sont les caractéristiques des jeux vidéo qui améliorent les capacités d’apprentissage des joueurs, explique Daphné Bavelier. Ils doivent être rapides, mais certains indices montrent que la violence ne semble pas être nécessaire.»