Du rôle des émotions dans la philanthropie
En 2016, le montant des dons privés versés par la population suisse a été estimé à 1,8 milliard de francs. Mais que savons-nous des motivations des organisations philanthropiques et des donateurs? Pour David Sander, directeur du Centre interfacultaire en sciences affectives (CISA) de l’UNIGE «Les émotions entrent forcément en jeu. Elles ne sont pas seulement des ressentis, mais aussi des tendances à agir: leur rôle dans le comportement philanthropique passe certainement par le fait qu’elles façonnent nos décisions et nos actions dès que la situation nous touche.» Pourtant, peu de travaux se sont intéressés à décrire cette relation. Le Centre en philanthropie et le CISA initient de nouvelles recherches pour combler ce vide.
Les travaux menés jusqu’ici portaient surtout sur les effets de certaines émotions sur les donations. «Nous avons montré que l’empathie, soit la capacité de partager les émotions d’autrui, prédit un comportement altruiste, explique Olga Klimecki neuroscientifique au CISA. Tant les émotions positives (compassion, fierté…) que les émotions négatives (détresse, douleur…) jouent un rôle. La source psychologique serait pourtant différente, les émotions positives nous poussant à aider l’autre, tandis que sous l’effet d’émotions négatives, nous chercherions à agir pour réduire notre propre souffrance.»
Les travaux de la chercheuse visent en particulier une meilleure compréhension du plaisir de donner
Pour Emma Tieffenbach, philosophe et Academic fellow du Centre en philanthropie, la recherche doit aujourd’hui pousser plus loin la réflexion: «Certes, les émotions négatives abondamment utilisés par les campagnes «choc» de sollicitations de donations sont efficaces à court terme. Mais les résultats ne seraient-ils pas plus pérennes en invoquant des émotions positives?» Les travaux de la chercheuse visent en particulier une meilleure compréhension du plaisir de donner, ce «chaud au cœur» que ressent le donateur. Florian Cova, psychologue et chercheur au CISA, s’intéresse également au sujet: «nombre de projets philanthropiques sont portés par l’idée d’une société meilleure. Dans ces cas, les individus sont «inspirés» par un idéal, les émotions à l’œuvre portent sur des valeurs. Celles-ci expliqueraient le développement de la philanthropie dans des domaines tels que le financement de la recherche scientifique ou des artistes.»
Le colloque «Philanthropie, émotions et empathie: quels liens?» organisé conjointement par le Centre en philanthropie, le CISA et Le Temps, propose un regard interdisciplinaire sur ces questions. Il donnera notamment lieu à une intervention de Jean Claude Ameisen, créateur de l’émission «Sur les épaules de Darwin» et médecin-chercheur dont les travaux s’intéressent aux origines neurobiologiques de l’empathie chez l’Homme. —
Lundi 10 décembre
Philanthropie, émotions et empathie: quels liens?
18h | Campus Biotech, sur inscription