Journal n°154

Modes d’apprentissage autour du téléphone mobile en Haïti

image-9.jpg
Dans les sociétés antérieures au système scolaire, apprendre passait essentiellement par la contribution et l’imitation: «que ce soit chez les laboureurs, les artisans ou les nobles, celui qui apprenait le faisait en participant aux activités d’une famille, d’une maison», résume le sociologue  et professeur à l’Université de Lyon Guy Vincent. Dans les sociétés modernes, l’enseignement magistral, linéaire et standard s’est largement substitué aux pratiques anciennes. Il n’en demeure pas moins que la diversité des voies d’accès aux savoirs et leur reconnaissance représentent un enjeu majeur. Et ce, d’autant que des ressources éducationnelles variées et diversifiées sont aujourd’hui accessibles à tout individu possédant un ordinateur et une connexion internet.
Mon projet de thèse se propose d’étudier les apprentissages diversifiés en milieu informel via l’utilisation des technologies mobiles de l’information et de la communication (TMIC) dans le contexte haïtien.
En Haïti, la rapide expansion du marché de téléphonie mobile, avec 7 millions d’abonnés sur une population de 10 millions, a créé un marché informel de vente de services. Installés à travers les rues, les vendeurs et réparateurs de technologies mobiles exercent leurs fonctions de manière spontanée en apprenant sur le tas, entre pairs et via internet. Le contexte particulier de ce secteur offre de nouvelles perspectives dans la compréhension des apprentissages informels via l’utilisation des TMIC employées tour à tour comme un outil pour apprendre, pour communiquer, comme une activité professionnelle et comme un moyen économique.
Suite à une étude de terrain, les premiers résultats révèlent que l’appropriation des TMIC dans un milieu informel se réalise selon un système organisé. Ce système est constitué d’un ensemble d’actions mises en place, individuellement ou en collectivité, autour de l’outil technologique afin de se l’approprier, de le remettre en état ou de le vendre. Il comprend aussi des transformations auxquelles s’ajustent les professionnels pour faire face à des contraintes du milieu. Il fonctionne selon des modes d’organisation en mouvance: ils s’entrecroisent et se dissocient selon le contexte ou le profil du professionnel: apprenti, réparateur, vendeur ou artisan. Ces modes sont basés sur la solidarité et les interactions sociales. Les compétences mobilisées par les professionnels dans le secteur de la vente et de la réparation des TMIC sont surtout liées à la communication, à l’entrepreneuriat et à la clientélisation. —

Concours
Valérie Payen Jean-Baptiste a participé à l’édition 2018 du concours «Bref, je fais une thèse».

Inscriptions ouvertes pour l’édition 2019