Journal n°155

Le bercement permet de dormir plus profondément

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Trois fées se sont penchées sur le berceau de 18 jeunes adultes: Aurore Perrault, Laurence Bayer et Sophie Schwartz, respectivement chercheuses et professeure au Département des neurosciences fondamentales (Faculté de médecine). Avec leurs collègues, elles ont en effet veillé sur le sommeil de ces volontaires durant deux nuits passées sur des lits animés d’un mouvement de balancement au Centre de médecine du sommeil des Hôpitaux universitaires de Genève. Comme les chercheuses le montrent dans un article paru dans la revue Current Biology du 4 février, les participants s’endorment plus rapidement lorsqu’ils sont bercés que quand leur lit reste immobile. De plus, les périodes de sommeil profond sont plus longues et le nombre de micro-éveils – un des facteurs associés à une mauvaise qualité du sommeil – est moins élevé.

Le renforcement du sommeil profond par le bercement est la conséquence directe de la modulation de l’activité des ondes cérébrales pendant le sommeil. Le bercement continu permet en effet de synchroniser l’activité neuronale des réseaux thalamo-corticaux qui jouent un rôle important dans la consolidation du sommeil, mais également de la mémoire.

Les dormeurs volontaires ont obtenu des résultats bien meilleurs après une nuit en mouvement qu’après une nuit immobiles

Soumis à des tests mnésiques consistant à apprendre des paires de mots le soir et à s’en souvenir au réveil, les dormeurs volontaires ont obtenu des résultats bien meilleurs après une nuit en mouvement qu’après une nuit immobiles.

Une deuxième étude, menée avec des souris cette fois-ci, est venue compléter la première. Publiée dans la même revue et réalisée à Lausanne sous la direction de Paul Franken, professeur associé à la Faculté de biologie et médecine de l’Université de Lausanne, elle confirme que le bercement des rongeurs (de leur cage, en l’occurrence) diminue le temps d’endormissement et rallonge la durée du sommeil mais que, contrairement à ce qui se passe chez l’être humain, il n’en augmente pas la qualité.

Le système vestibulaire, la structure située dans l’oreille interne qui gère l’équilibre et l’orientation spatiale, joue un rôle essentiel dans le phénomène

L’étude montre toutefois que le système vestibulaire, la structure située dans l’oreille interne qui gère l’équilibre et l’orientation spatiale, joue un rôle essentiel dans le phénomène. Les chercheurs ont soumis aux mêmes bercements des souris dont les récepteurs sensoriels de l’oreille interne ne fonctionnaient pas, altérant ainsi la fonction vestibulaire. Les rongeurs ainsi modifiés n’ont bénéficié d’aucun des effets du balancement pendant le sommeil. Conclusion logique: le bercement stimule le système vestibulaire qui, lui, agit sur les réseaux neuronaux responsables des oscillations cérébrales spécifiques du sommeil.

Pour en savoir davantage, c’est-à-dire mieux identifier les structures sous-corticales et les réseaux neuronaux impliqués dans les effets du bercement sur le sommeil, les chercheurs vont faire appel à des techniques plus précises, comme l’optogénétique qui permet d’observer et de contrôler des neurones précis. La cartographie du réseau de communication entre les populations neuronales qui reçoivent les stimuli des organes vestibulaires et celles qui sont impliquées dans le circuit du sommeil permettrait en effet de développer de nouvelles approches pour traiter les patients souffrant d’insomnie, de troubles de l’humeur, ainsi que les personnes âgées, qui cumulent souvent des troubles du sommeil et de la mémoire. —