Journal n°166 - du 7 au 21 novembre 2019

Montrer la force de l’être humain

image-2.jpgLe Journal: Pourquoi vous êtes-vous emparée de ce sujet?
Anne-Frédérique Widmann: J’ai rencontré Kenneth Reams alors que je préparais l’exposition Windows on death row avec le dessinateur Chappatte. Condamné injustement à mort, ce dernier fait preuve d’une résilience incroyable. Il a trouvé en lui les ressources nécessaires, non seulement pour ne pas devenir fou, mais aussi pour créer une vie qui vaille la peine d’être vécue. Il expose ses œuvres d’art, il s’exprime publiquement dans le monde entier et a une vie qui a un sens alors qu’il est enfermé vingt-trois heures par jour dans une cellule de 2 mètres sur 3.

Qu’avez-vous voulu montrer?
Qu’une personne, dans une situation aussi désespérée, inhumaine et violente que celle-là, a réussi à trouver la force et les ressources pour se battre contre l’injustice et toucher le plus grand nombre. En dépit de tout, Kenneth Reams a réussi à garder son esprit libre et à créer, à travers l’art, une multitude d’espaces de liberté dans le minuscule espace de sa cellule. En réalité, c’est plutôt une bonne nouvelle que j’ai voulu partager.

C’est difficile de faire un documentaire sur quelqu’un qu’on ne voit pas, mais j’ai choisi d’en faire une force

Comment s’est déroulé le tournage?
La prison n’a pas permis que je filme Kenneth Reams. C’est difficile de faire un documentaire sur quelqu’un qu’on ne voit pas, mais j’ai choisi d’en faire une force. Cela m’a donné la possibilité de faire connaître un homme sans le montrer comme un prisonnier, avec un uniforme et des menottes. Avant d’être un condamné à mort, Kenneth Reams est un homme extraordinaire. En laissant le public le découvrir uniquement par sa voix, j’ai refait de lui un être humain.

Quelles sont les réactions à l’issue des projections?
Qu’il soit montré au Japon, au Liban, au Pakistan ou en Suisse, le film a toujours – petit miracle – le même impact. Dans toutes ces nations, les gens ont pleuré et se sont émerveillés de la force de l’être humain. Le film touche à cause de ce qu’il dénonce, mais surtout grâce à ce qu’il révèle sur la nature humaine. Et c’est quelque chose qui nous unit, où que l’on soit. C’est aussi un film qui pousse à l’action. À l’issue des projections, les gens demandent souvent ce qu’ils peuvent faire. Par son message, Kenneth Reams montre à chacun qu’il a du pouvoir sur le monde qui l’entoure.

«FreeMen», pourquoi ce titre au pluriel?
Parce que nous ne devons pas oublier que nous sommes tous des êtres humains libres. Nous devons non seulement défendre cette liberté, mais chacun doit la vivre au jour le jour. Kenneth Reams en fait la démonstration par sa bataille. Quand il parle avec le public au téléphone à l’issue des projections, il dit souvent: «Vous aussi, vous êtes libre. Essayez de vous libérer de vos prisons intérieures. Si moi j’y arrive, vous allez bien y arriver aussi.» —

 

Projection

Raconté par la voix charismatique de Kenneth Reams, FreeMen est un film sur la résilience. Dans le couloir de la mort depuis vingt-six ans, le détenu a repoussé les murs de sa cellule pour devenir peintre, poète, fondateur d’un organisme à but non lucratif et organisateur d’événements artistiques – tout en luttant pour la justice. À 18 ans, Kenneth Reams a été condamné pour meurtre sans avoir tiré une seule balle, devenant ainsi le plus jeune détenu d’Arkansas.

Jeudi 14 novembre à 18h | Uni Dufour
La projection sera suivie d’un débat avec la réalisatrice Anne-Frédérique Widmann et Kenneth Reams par téléphone depuis sa prison en Arkansas.