1er décembre 2022 - Jacques Erard

 

Vie de l'UNIGE

La coopération régionale en mode ludique

Un colloque international organisé en juin dernier a démontré le potentiel innovant d’un «serious game» dans le contexte de la coopération régionale.

 

 

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Des participant-es à l'atelier interrégional Mountains Connect prennent part à la simulation de gouvernance de la chaîne Tamlar. Photo: Stéphanie Reusse

 

Les régions de montagne se trouvent particulièrement exposées aux conséquences du changement climatique. Quelles ressources et quelles stratégies devront-elles mobiliser pour s’adapter? Un colloque s’est tenu en juin dernier à Vienne sur cette question, à l’invitation de la Direction du développement et de la coopération (DDC) et du Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE). À cette occasion, une cinquantaine de représentant-es de six régions de montagne (Andes, Himalaya, Caucase du Sud, Afrique de l’Est, Alpes et Carpates) ont été invité-es à participer à un serious game conçu au Pôle de gouvernance de l’environnement et développement territorial (Institut des sciences de l’environnement), partenaire scientifique de la DDC et du PNUE sur cette thématique. Concoctée par le professeur Jörg Balsiger et sa collègue Stéphanie Reusse, chargée d’enseignement, cette expérience ludique mais intense a permis aux participant-es de poser les jalons de mécanismes innovants dans le domaine de la coopération interrégionale.

 

Bienvenue dans le monde fictif de Tamlar Range, une chaîne de montagnes que se partagent cinq pays, différents par leur population, leur profil territorial et énergétique, dotés de plusieurs ressources principales: les réserves monétaires, le savoir, le bien-être collectif et individuel, la production agricole, l’eau et la biodiversité. Afin de se prémunir des conséquences du changement climatique, chaque pays est appelé à investir ses réserves dans des projets nationaux (des institutions telles que des universités, des centres médicaux ou des infrastructures telles que des parcs solaires, des barrages), tout en collaborant avec ses voisins afin de mettre en place des instruments communs, comme des centres de recherche sur les énergies renouvelables ou un système d’alerte régionale en cas de catastrophe météorologique. Déroulé sur une journée, ce scénario devait aboutir à l’adoption d’un traité régional visant l’action collective pour l’adaptation au changement climatique.

Tandis que Stéphanie Reusse s’est chargée de matérialiser l’idée à travers un plateau de jeu et un set de règles, Jörg Balsiger a mis au point le programme informatique contrôlant les paramètres. «Tout était lié, explique-t-il. Chaque décision prise par les pays avait une incidence sur la manière dont ils pouvaient ou non renforcer leur capacité d’adaptation. Nous avions également prévu des événements inattendus, comme l’arrivée d’un parasite susceptible de détruire les cultures si les pays n’avaient pas mis en place des méthodes de gestion adéquates.»

Dans la réalité, les régions de montagne se trouvent souvent marginalisées au sein des États dont elles font partie en raison de leur poids économique moindre comparé aux régions de plaine. Elles sont par conséquent incitées à collaborer avec les pays limitrophes avec lesquels elles partagent des écosystèmes et bien souvent des intérêts économiques communs. Toute la difficulté, dans les négociations internationales, consiste dès lors à ménager les intérêts nationaux tout en cherchant à améliorer cette indispensable coopération inter-étatique. Dans le jeu, les pays se sont frottés à la nécessité des arbitrages: faut-il construire une université dans le pays ou plutôt créer un centre de recherche régional?

Les participant-es au jeu, membres de délégations ministérielles aux négociations sur les changements climatiques et d’organisations régionales pour la plupart, ont été réparti-es par équipes de six à huit personnes, à la tête de chaque pays fictif. Comment ont-ils/elles réagi à cette expérience peu courante dans l’univers des rencontres diplomatiques? Pour Jörg Balsiger, elles/ils en ont retiré un sentiment d’accomplissement propre au jeu, tout en parvenant à dessiner les contours d’un traité international. Et le test s’est surtout avéré fructueux du point de vue des interactions. «Dans ce type de réunions, on constate souvent que les représentant-es d’une région restent entre eux/elles. Dans le contexte du jeu, elles/ils ont pu voir comment leurs homologues d’autres régions réagissaient face à telle ou telle situation. C’est un apport important dans la perspective de futures négociations.»

Cet exercice de mise en situation a ainsi passé l’étape de proof of concept que s’étaient fixée les concepteur-trices du jeu. Celui-ci pourrait connaître des applications à d’autres contextes ou dans le cadre d’enseignements sur les relations internationales, par exemple.

Un site web pour poursuivre la coopération

Le Programme des Nations unies pour l’environnement vient de publier la plateforme Mountains Connect qui rassemble des vidéos ayant été réalisées par le Pôle de gouvernance de l’environnement et développement territorial dans le cadre du projet commun avec le PNUE et financé par la DDC. On y trouve également le matériel du jeu de simulation Tamlar qui peut être téléchargé.

 

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